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toute la presse autrichienne, sauf de très rares journaux, tels que la Reichspost, la Wiener Morgenzeitung et la Wiener Allgemeine Zeitung, avait fait campagne pour le rattachement. Déjà une association, la Deutscharbeitsgemeinschaft, s’était constituée à Vienne en faveur de l’unité allemande. Déjà enfin, le 22 juillet, le député Schurff avait déposé à l’Assemblée nationale la motion qui vient d’être adoptée avec un léger amendement. Il demandait que le référendum fût joint aux élections du 17 octobre. L’Assemblée n’a pas prononcé la jonction ; elle a procédé par voie d’invitation au gouvernement ; mais il est évident qu’en fait, après le vote unanime des députés sortants, les élections d’après-demain porteront sur la question du rattachement.

Quelles mesures les Alliés ont-ils prises depuis six mois pour enrayer ce mouvement et pour rappeler le gouvernement autrichien au respect du traité de Saint-Germain ? Lui ont-ils clairement montré qu’en se fondant au sein de l’Empire d’Allemagne, l’Autriche n’échapperait pas, comme elle le suppose, aux charges que lui impose ce traité ? Ont-ils suffisamment expliqué à la Tchéco-Slovaquie et au royaume des Serbes, Croates et Slovènes la menace que serait pour eux une Allemagne agrandie ? Et surtout, vis-à-vis de l’Allemagne elle-même, ont-ils agi avec assez de fermeté, pour lui faire nettement comprendre que toute entreprise germanique, condamnée par l’article 88 du traité de Saint-Germain, serait, en même temps, une violation flagrante du traité de Versailles ?

Par les articles 80 et 118 de ce dernier acte, l’Allemagne a pris, sur ce point, des engagements précis. L’article 80, notamment, porte : « L’Allemagne reconnaît et respectera strictement l’indépendance de l’Autriche, dans les frontières qui seront fixées par traité passé entre cet État et les principales Puissances alliées et associées. Elle reconnaît que cette indépendance sera inaliénable, si ce n’est du consentement du Conseil de la Société des Nations. » D’autre part, aux termes de l’article 5 du covenant, ce consentement ne peut être donné qu’à l’unanimité. Il suffit donc que la France refuse son adhésion pour que l’Allemagne n’ait pas le droit d’accepter le rattachement de l’Autriche, ni, à plus forte raison, de le provoquer, et pour qu’en y prêtant les mains, elle viole les stipulations qu’elle a signées. Cette infraction, si elle se produit, doit avoir une sanction. L’article 429 prévoit que l’occupation de la rive gauche du Rhin ne doit cesser que si les conditions du traité sont fidèlement observées. Du jour où l’Autriche s’unirait à l’Allemagne, nous serions donc autorisés à rester sur le Rhin. Telle est, sans nul doute, la pensée