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important personnel. Administrés par l’État aux frais des contribuables, les arsenaux, espoirs de la Marine, regorgent de bureaucratie et coûtent plus qu’ils ne rapportent. » Bien avant la guerre, la suppression de Lorient et de Rochefort s’imposait. En 1920, le Conseil Supérieur de la Marine, présidé par le vice-amiral Lacaze, a émis à l’unanimité l’avis que les arsenaux de Lorient et de Rochefort, ainsi que les Forges de Guérigny, fussent cédés à l’industrie privée. Cette cession est décidée en principe. M. de Kerguezec, rapporteur du budget, s’est attaché à la réaliser sans souci des contingences électorales. Nous attendons les actes du Ministère. Nous n’avons besoin que de deux ports de plein exercice ; Brest dans l’Océan, Toulon en Méditerranée, et de deux points d’appui : Cherbourg dans le Nord, Bizerte en Afrique. La France, qui subit une crise d’anémie financière si aiguë, ne pardonnerait pas à la Marine de laisser ouvertes les cinq plaies de ses arsenaux, par où notre épargne s’échappe goutte à goutte, comme le sang coule d’une blessure. Quant au personnel en surnombre, il n’y a pas d’autre issue pour lui que la non-activité par retrait d’emploi, — situation prévue par les règlements, — ou la permutation dans d’autres ministères. Il sera facile de sauvegarder les droits d’un personnel méritant, qui n’est pas responsable de cette situation. Deux chiffres feront saisir la portée du problème. La Marine dépense aujourd’hui 14 millions et emploie 1 753 personnes pour administrer ses arsenaux, non compris l’administration militaire, commissaires, fourriers, etc. les ingénieurs et tout le personnel à leur suite, moitié technique, moitié administratif, non compris enfin les ouvriers aux écritures. 1 753 personnes, voilà, le bilan de l’armée de la plume l Ses rangs sont aussi serrés que ceux des officiers de marine eux-mêmes, dont les effectifs ne comportent que 1 974 unités, avec 45 amiraux qui se partagent 7 cuirassés.


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Après ce que nous venons de dire, s’étonnera-t-on que la Marine combattante subisse une crise morale ? M. Le Cour-Grandmaison en a dénoncé la gravité. Les officiers de marine sont des hommes d’action. Peut-on leur faire grief de se révolter contre la situation qui est faite à notre flotte active ? Cela explique l’exode des meilleurs d’entre eux vers les situations