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ici qu’au jardin de Lafond d’abord, à celui de Saint-Maurice ensuite, qu’il nous faut aller.

Le petit domaine de Saint-Maurice, acquis en 1815 par Antoine-Toussaint, le grand-père paternel d’Eugène, constituait entre La Rochelle et le port actuel de La Pallice, où il existe toujours, en quelque sorte la résidence d’été, M. Pierre Blanchon dit fort agréablement la « borderie, » où la famille Fromentin venait, durant la belle saison et jusqu’aux vendanges, se reposer des soucis et des travaux des jours d’hiver ; quant à l’asile de Lafond, dont le docteur Fromentin avait été nommé le directeur en 1829 (il y resta jusqu’en 1858), le futur Dominique y passa, de même qu’à Saint-Maurice, une partie de son enfance frileuse, méditative, de garçonnet rêveur et délicat.

C’est à une bonne lieue de La Rochelle, à l’extrémité d’un faubourg bordé de jardinets, de maisons basses, de petites fabriques de sabots d’aspect tout rural, qu’est situé le grand établissement fondé par le savant père du peintre ; nous nous y dirigeons d’abord, et c’est pour nous, en même temps que le prétexte à rendre hommage à un grand nom, une occasion nouvelle de saluer au passage quelques-unes de ces pierres vétustés, quelques-uns de ces graves et beaux monuments dont M. André Hallays a dit que les vieux Rochelais, sensibles au passé de leur ville, aiment à parler « avec une tendresse mélangée de fierté. » Sans être, par son ensemble assez lourd et qui surprend de la part de l’architecte Gabriel, l’un de ces témoins les plus caractéristiques d’autrefois, la cathédrale Notre-Dame n’en offre pas moins, à l’intérieur, l’une des surprises les plus heureuses que nous ayons éprouvées en ce voyage. Nous voulons parler de cette chapelle des marins d’un caractère si touchant, et sur les murs de laquelle sont disposés, en façon d’ex-voto, de nombreux tableaux de style naïf offerts, en remerciement et reconnaissance, à la Vierge protectrice des navigateurs. J’imagine que le petit Eugène Fromentin accompagna plus d’une fois dans ce sanctuaire si touchant, en venant de la rue Dupaty, cette bonne et pieuse mère qui, de tous ses parents, resta bien toujours et jusqu’à la fin l’être le plus près de son cœur. Avec quel sentiment de vive admiration ce petit bonhomme, dont l’imagination était déjà éveillée, dut considérer ces panneaux peints de manière si gauche et sur lesquels sont représentés, sur la mer en tempête et sous un ciel d’orage,