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du pays d’achat, est versé par l’acheteur au compte de l’Etat ; puis, pour rembourser l’exportateur, l’Etat se sert de sa propre monnaie. Ainsi le pétrole galicien exporté en France par des producteurs français serait payé par nous en francs français à l’Etat polonais et remboursé par celui-ci aux producteurs en marks de Pologne. L’Etat s’assurerait ainsi un double avantage : d’une part, il se procure des crédits en francs qui contribueront à relever le cours de sa devise ; de l’autre, étant donné la dépréciation de celle-ci, il oblige le producteur à remployer dans le pays même la plus grande partie de ses bénéfices. Mais une telle mesure n’aura-t-elle, pas aussi pour conséquence d’éloigner les capitaux étrangers d’un pays où ils trouveront si peu d’intérêt à travailler et où, soumis aux charges fiscales les plus lourdes, ils jouiront d’une liberté d’action si parcimonieusement mesurée ?

On a vu en effet comment le capital industriel est doublement imposé, au bénéfice de l’Etat, et à celui des ouvriers. Des avantages assurés à ceux-ci : distribution de vivres et de vêtements à prix réduits, logement gratuit ou à bon marché, écoles, bains, etc… c’est l’employeur qui fait les frais ; l’Etat ne lui rembourse qu’une faible part des dépenses qu’il l’oblige à supporter. Les producteurs obtiennent-ils du gouvernement un léger relèvement des prix de vente ? Aussitôt les ouvriers d’exiger à leur tour un relèvement des salaires. Il faut louer l’État polonais des mesures qu’il a prises en faveur du travail ; toutefois, il y a une limite de charge qu’il serait dangereux de dépasser ; c’est le point au-delà duquel l’entreprise n’aurait plus d’intérêt à produire, et moins encore à développer la production en procédant à des installations nouvelles.

Pendant mon séjour en Pologne, j’ai souvent entendu discuter la question des mesures à prendre pour réglementer l’introduction et assurer le contrôle des capitaux étrangers. Le plus souvent, on reconnaissait la nécessité, pour un pays nouveau, riche en matières premières, mais dépourvu de moyens financiers, d’accepter les concours extérieurs qui lui permettront de mettre rapidement en œuvre ses propres ressources. Cependant on faisait des réserves et des objections ; le capital de l’entreprise pouvait être étranger, mais l’administration devait être mixte, et même en majorité polonaise. Il ne fallait pas permettre que des sociétés étrangères établies en Pologne formassent entre elles