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les ouvriers, dont les tendances politiques et les intérêts sont différents des leurs.

Un tarif uniforme fixe pour tout le royaume le salaire dû à l’ouvrier. L’année dernière (1er juillet 1919 à 30 juin 1920), l’ouvrier agricole recevait 1 400 marks. Il avait droit en outre au logement et au chauffage, à un demi-hectare de terrain pour faire pousser des pommes de terre, à 16 quintaux de blé et au fourrage pour entretenir deux vaches. Les heures de travail étaient payées, aux femmes 80 pfennigs, aux petits garçons 1 mark. La quantité de blé alloué à l’ouvrier dépassait les besoins de sa famille, et il en vendait une partie. Néanmoins, ces conditions ne lui semblent plus suffisantes, et il réclame une augmentation de salaire. Dans l’ancienne Pologne russe, l’ouvrier agricole est non seulement illettré, mais profondément ignorant ; aussi les agitateurs communistes ont-ils trouvé chez lui une moindre résistance que chez l’ouvrier de fabrique, qui sait lire et qui est inscrit régulièrement à un parti. Au surplus, c’est aux environs de Lublin, dans les campagnes, et à Lodz, dans les industries textiles, que j’ai rencontré, si je ne me trompe, les éléments ouvriers les plus indisciplinés de toute la Pologne.

La sucrerie de Garbow produisait annuellement avant la guerre de 40 à 50 000 quintaux de sucre. À cette époque, les plantations de betteraves couvraient jusqu’à 1 500 hectares : pendant la guerre, elles n’en occupèrent plus que 600. Il est intéressant de comparer entre elles les proportions des betteraves fournies à la sucrerie par les grands propriétaires et par les paysans avant la guerre et pendant la guerre. En 1913, 65 pour 100 provenaient des paysans, 35 pour 100 des grands propriétaires ; en 1918, les grands propriétaires fournissent 83 pour 100 et les paysans 17 : la production tombe à 8 000 quintaux. Les paysans, vendant fort cher tous leurs autres produits, n’avaient plus d’intérêt à faire des betteraves.

La sucrerie occupe, suivant la saison, de 200 à 400 ouvriers. Vingt-quatre familles d’ouvriers et douze d’employés occupent dans l’enceinte de la fabrique des logements aménagés à leur intention ; les autres habitent dans le village. Un ouvrier qualifié gagnait avant la guerre un rouble par jour ; il touche aujourd’hui 40 marks et jouit en outre des avantages suivants : un logement de deux chambres, le chauffage et l’éclairage