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officieux, chargés d’entretenir la division et de fomenter des troubles. Nous espérions du moins pouvoir nous servir du port ; le traité de Versailles nous en attribue le « libre usage » et nous confère le droit « de le développer et de l’améliorer ; » nous en avions conclu que l’« administration » du port nous était ainsi reconnue. Mais les Dantzigois nous ont fait observer que, là où « le contrôle et l’administration » sont assurés à la Pologne, ces deux mots sont spécifiés en toutes lettres : il en est ainsi pour le réseau ferré et pour le cours de la Vistule, non pour le port de Dantzig. Voilà donc où nous en sommes : libre à nous de « disposer » du port, de le développer et de l’améliorer ; mais nous n’avons pas le droit de l’« administrer. » Les conséquences, vous les avez vues ces jours-ci, elles ont été assez graves pour attirer l’attention du Conseil suprême et pour l’amener, du moins nous l’espérons, à nous conférer enfin des droits dont nous puissions pratiquement nous servir.

Il faut à la Pologne un port ; ce port ne peut être, semble-t-il, que celui de Dantzig. Dantzig, ville prussienne par la majorité de la population, par ses lois, par ses mœurs, par sa religion, peut-elle être effectivement détachée de la Prusse et redevenir la « ville libre » qu’elle fut autrefois ? Peut-on faire revivre avec une force suffisante chez les habitants de la vieille ville hanséatique les traditions d’une indépendance glorieuse, mais oubliée ? Peut-on espérer que la communauté d’intérêts économiques, — la Pologne a besoin de Dantzig pour respirer, Dantzig ne peut pas vivre sans la Pologne, — suffira à former et à maintenir entre les deux parties ces relations aimables, cette collaboration bienveillante que les auteurs du traité de Versailles avaient escomptées un peu gratuitement ?

Je me posais toutes ces questions en visitant le port, en parcourant les rues pittoresques, en visitant les monuments de Dantzig. Que demeure-t-il des temps anciens ? un décor magnifique, d’imposants témoignages d’une puissance évanouie, mais non regrettée. L’extérieur fait encore illusion : mais entrez dans une de ces belles églises, solides, hautes, droites comme des forteresses. Ceux qui les bâtirent, au XVe siècle, avaient su s’affranchir de la domination des Chevaliers teutoniques. Mais ceux qui les ont restaurées ! ceux qui en ont aménagé l’intérieur ! Il faut pénétrer dans Sainte-Marie ou dans l’église de la Trinité, pendant le service du dimanche, pour apercevoir