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captivantes. Les Français eux-mêmes, qui ignorent leurs propres richesses, qui s’en désintéressent, ou qui, par routine, ne consentent même pas à y penser, les Français eux-mêmes finiraient par se joindre aux étrangers. Car il ne faut point se lasser de le crier aux oreilles de ces sourds qui ne veulent pas entendre : en fait d’antiquités chrétiennes des premiers siècles, aucun pays du monde ne peut rivaliser avec la patrie de saint Cyprien et de saint Augustin.

De même que les monuments païens, les monuments chrétiens, — basiliques, chapelles, baptistères, nécropoles, catacombes, — couvrent le pays tout entier, du Maroc à la Tripolitaine. Cette multitude d’édifices, restaurés dans leurs parties essentielles, seraient, pour le voyageur, une leçon d’archéologie et d’histoire, comme ils n’en recevront nulle part ailleurs. Si l’on veut revivre l’ère héroïque des martyrs, fouler le pavé des églises où ils ont prié, c’est ici qu’il faut venir. Sans doute, Rome est toujours Rome. Mais elle ne peut montrer qu’une faible partie des antiquités chrétiennes qui foisonnent dans la Numidie et la Proconsulaire. Pourquoi donc, après l’obligatoire pèlerinage à la ville des Apôtres, les fidèles de toute confession et, avec eux, tous les fervents du passé, ne viendraient-ils pas à Carthage, et, de là, dans les villes africaines, compléter leur voyage, pour ne pas dire plus ? De Rome à Tunis, en passant par Naples et la Sicile, les escales seraient aussi rapprochées qu’agréables, — et les voyageurs qui auraient accompli ce périple de la Méditerranée occidentale, pourraient se flatter d’en rapporter vraiment l’image intégrale de l’ancienne latinité…

J’évoque de nouveau ces beaux projets d’avenir, en rôdant autour de la margelle d’un baptistère, qui se trouve dans une de ces basiliques de Sufetula. Si je ne m’abuse, il est d’une forme unique, inconnue jusqu’ici. Pour ma part du moins, je n’en ai pas encore vu de pareil, si ce n’est celui de Djerba, qu’on a jugé à propos de transporter au Musée du Bardo. Celui-là aussi est en forme de croix, mais le dessin en est tout autre et la disposition intérieure très différente. On y descend par un escalier, aménagé dans une des branches de la croix. Aux deux extrémités des bras, des sièges sont creusés, sans doute pour le baptiste et son assesseur. Des colonnes disposées sur le pourtour supportaient un toit, de sorte que l’édicule devait avoir l’apparence d’un kiosque de jardin. Comme le baptistère de Thimgad, dont