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disciples M. de Quélen, le futur archevêque de Paris. Il se mêlera aux réunions des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, encouragera la vocation de sœur Rosalie, et, en un geste de direction douce et commandante, lui désignera le faubourg Saint-Marcel comme le lieu de son apostolat. Bonaparte, devenu premier Consul, remarquera ce petit prêtre comme il l’appellera, et lui fera offrir un évêché. La réponse, d’une humilité si fière qu’elle n’était plus tout à fait l’humilité, sera celle-ci : « Permettez-moi de m’autoriser du privilège qu’ont les supérieurs de Saint-Sulpice de ne point être contraints à accepter l’épiscopat. » Dix ans plus tard, le 17 mai 1811, en une circonstance solennelle, on pourra reconnaître, — mais chargé d’années et déjà près de la tombe, — l’abbé Emery assis aux Tuileries autour de la table du Conseil. Devant le maître, jadis signataire du Concordat et maintenant bien près d’être persécuteur, tous se courbent, faisant à l’envi litière de leur honneur et de leur foi. Alors un homme se lève, le petit prêtre comme le nommait Napoléon. D’une voix un peu tremblante d’émotion, mais d’un cœur intrépide, avec toute la lucidité de sa ferme et saine raison, il soutient, au milieu de l’universelle platitude, les droits de l’église et de Dieu. Ce seront ses suprêmes paroles ; car, un mois plus tard, il mourra. Mais il était digne de cet homme humble et fier que ce beau geste d’indépendance chrétienne fût le dernier de sa vie.


PIERRE DE LA GORCE.