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l’Indre-et-Loire, la vigilance est nulle pour l’exécution des lois contre les prêtres : dans la Corrèze, les rétractations de serment se publient ouvertement : en l’un des cantons du Lot, les autorités ont favorisé, loin de la disperser, une troupe de fanatiques qui tentaient de délivrer un prêtre détenu. Voici maintenant les dépêches venues du Nord : de la Somme, on mande que la loi sur la police des cultes est ouvertement violée : du Pas-de-Calais, on annonce que, dans l’arrondissement de Saint-Pol, les cérémonies cultuelles ont repris. Cependant le ministre déplie un dossier plus gros que les autres, celui de la région de l’Est. Les rapports affluent, venus du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle, de la Meurthe, du Doubs, de la Haute-Saône. En tous ces départements voisins de la frontière, on signale le retour des prêtres déportés ; ils reprennent leur ministère, ils sonnent les cloches, ils fanatisent les populations. Combien sont-ils ? On l’ignore ; mais en une des dépêches arrivées d’Alsace, on affirme qu’ils sont nuée.

Merlin replie ses dossiers. Son âme s’échauffe en une de ces blanches colères dont il est coutumier. En une circulaire du 22 ventôse an IV, il exhale son courroux. Aux termes de cette instruction, les administrations municipales sont tenues de dénoncer tous les ecclésiastiques réfractaires ou rétractés qui résideraient sur leur territoire. Que si elles prétendent qu’il n’en existe pas, elles devront attester l’exactitude de cette déclaration par un certificat négatif que chacun des membres sera tenu de signer. Et ils seront responsables de leurs déclarations sous peine de poursuites personnelles.

Le temps s’avance. Au printemps de l’année 1796, Merlin reprend le portefeuille de la Justice. Et là, aussi, les mêmes doléances lui arrivent : dans le Puy-de-Dôme, tous les rites religieux s’accomplissent ; dans l’Hérault, les fanatiques sont ouvertement protégés ; dans la Haute-Saône, les réfractaires reçoivent asile chez les agents municipaux ; dans le Bas-Rhin, les cortèges funèbres s’acheminent comme jadis vers le cimetière avec accompagnement de croix, de cierges, d’enfants de chœur. Cependant l’été a commencé et, en diverses parties de la France, en Alsace notamment, les maisons se parent pour la procession de la Fête-Dieu.

Sous cette résistance tenace, tout ce que Merlin porte en lui de zèle répressif déborde et bouillonne, il faut d’abord châtier