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des fouilles activement et sérieusement conduites nous rendront tous les édifices chrétiens mentionnés par les auteurs, ou par les procès-verbaux des conciles, — ces églises, ces cimetières, ces memoriæ, où l’évêque d’Hippone a prêché. Pour l’instant, les quatre basiliques qu’on a réussi à dégager ou qu’on a repérées jusqu’à ce jour, réclament toute la sollicitude des archéologues comme du clergé.

Le printemps dernier, j’errais à travers ces ruines éloquentes, avec le célèbre Père Delattre, qui a tant travaillé pour elles, et l’archevêque désigné de Carthage, Mgr Leynaud, qui voulait bien m’en faire les honneurs.

Nous constations avec tristesse qu’il avait fallu, faute d’argent, laisser se réenterrer une grande basilique précédemment dégagée par le père Delattre et qui, peut-être, fut élevée au lieu même du martyre de saint Cyprien, sur le terrain que les auteurs anonymes des Passions du saint appellent le « Champ de Sextius ». A l’église byzantine de Derméche, nous trouvions les mosaïques du pavement dans un état lamentable, foulées et souillées par les troupeaux qui passent, mutilées par les voyageurs, les colonnes renversées, les murs des fondations sur le point de disparaître. Même désolation à Damorcs-el-Karita, la basilique que le Père Delattre croit avoir été dédiée à sainte Perpétue et à ses compagnons. Comme à Tébessa, c’est tout un monde, un vaste ensemble de bâtisses, qui comprend, avec des cryptes voûtées, une foule de chapelles latérales, des baptistères, des promenoirs, des cimetières, des salles, des actes… Enfin nous terminâmes par la dernière découverte du Père, une basilique probablement consacrée, elle aussi, à la mémoire de saint Cyprien et qui s’étend dans le voisinage de l’actuel orphelinat de Sainte-Monique. Devant ces débris à l’abandon, cette empreinte toujours très nette d’un grand édifice disparu, — nous nous disions qu’il faudrait très peu de chose pour restituer à ces ruines un caractère capable de satisfaire la curiosité et l’imagination. Il suffirait de relever les murs à hauteur d’appui, en utilisant les amorces actuellement existantes au ras du sol, de façon à bien marquer les lignes essentielles du monument, — de raviver ce qu’on pourrait appeler « les points vitaux » de la basilique : le baptistère, le ciborium, le siège épiscopal, — enfin de refaire un dallage, ou de réparer les mosaïques qui se désagrègent.