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volontaires, aux subventions régulières consenties ou par des particuliers ou par des associations. Maintenant que les municipalités françaises, algériennes et tunisiennes voient leurs budgets plus ou moins obérés par la guerre, pourquoi aurions-nous honte de lancer un appel à l’étranger ? Il y a peut-être encore quelques Américains du Nord ou du Sud capables de sacrifier quelques banknotes, pour sauver de l’oubli et de la destruction complète une des plus anciennes métropoles de la civilisation occidentale, — des Israélites ou des Syriens d’outre-Atlantique, qui se passionneront pour Carthage, la fille de Tyr et de Sidon, Carthage la Phénicienne, — le seul empire sémitique qui ait duré et qui, en somme, ait réussi.

Mais ce manque d’argent n’est que la moindre des difficultés avec lesquelles les promoteurs des fouilles aient à compter Les choses iraient, somme toute, assez facilement, si le sol de la ville morte était désert. Malheureusement, on y a beaucoup bâti, surtout depuis un quart de siècle il faudrait exproprier, — probablement à grands frais, — un nombre considérable de particuliers. Certains immeubles appartiennent à des princes de la famille beylicale. D’autres, comme la Basilique et le couvent de Saint-Louis, les orphelinats et les séminaires éparpillés sur toute l’étendue de la péninsule carthaginoise appartiennent à des communautés. Des expropriations de ce genre ne paraissent guère possibles. Le plus sage serait donc d’accepter le fait accompli, en essayant de limiter les constructions nouvelles.

Récemment, grâce toujours à l’intervention de M. Etienne Flandin, un décret a été rendu par le gouvernement tunisien, qui défend de construire sur l’emplacement de Carthage, sans l’autorisation préalable du Service des antiquités. On m’assure que, dans la pratique, ce décret est inefficient. Des sondages superficiels n’atteignent pas les ruines qui, en général, sont profondément enterrées. Et ainsi on est exposé à laisser construire là où il suffirait de creuser un peu plus profond pour loucher des vestiges intéressants. En présence de toutes ces complications, l’unique chance de succès qui reste aux archéologues, ce serait de faire sa part à la ville nouvelle, comme à la ville morte, de déterminer dans quelles limites il est permis de bâtir, puis de tracer, au milieu des constructions modernes, des zones réservées aux fouilles. Il est clair que, seuls, des professionnels, après des sondages répétés et consciencieux, pourraient, sans de