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qu’ils cherchaient ce qu’il a trouvé, la même foi qui l’inspire. Ceux qui sont morts suivent dans l’invisible monde « la gravitation des Anges souriants ; » il veut que leur soit épargnée l’horreur de l’éternel exil…

Non ! ô mes disparus, mes grands morts : j’en atteste
Ces éclairs d’infini que j’ai vus dans vos yeux,
Et vos accents d’extase, et ce reflet céleste
Qui descendait parfois sur vos fronts radieux !

De leur vivant, ils ont porté le poids des jours ; ils ont buté aux cailloux d’ici-bas ; les ronces des chemins les ont griffés…

Mais si, chargés encor d’un reste de souillures,
Avant de posséder les calmes cieux chrétiens,
O morts, dont nous gardons les images si pures,
Il vous fallait briser quelques derniers liens,
Traversez, morts chéris, les feux expiatoires,
Puis, du bûcher sévère où tout est consumé,
Surgissez, plus brillants même qu’en nos mémoires,
Pour regarder, joyeux, l’Infini désarmé.
C’est lui que vous cherchiez sous la grâce des choses !…

Le prêtre les salue et met sa poésie sous la protection de leurs âmes…

Déjà vous inspirez ce chant qui vous célèbre ;
Et, tandis que mon front s’incline sous vos ifs,
À travers leur murmure indécis et funèbre,
Vous me parlez tout bas, ô morts persuasifs…

J’ouvrirai des chemins vers la Beauté divine ;
Et, lorsque s’épandront mes vers graves et doux,
Les hommes sentiront leur céleste origine
À ces accents profonds qui me viendront de vous.

Ce poème, qu’il me faut écourter, — je le regrette, — a une ampleur magnifique et le plus bel accent. L’aimable souvenir l’anime et la mélancolie du passé lui donne un charme deux et amer. Surtout la charité du prêtre, qui rehausse l’indulgente compassion du poète ami et la consacre, y est sublime. Ce que voit aussi le poète, et que le prêtre certifie, est que l’effort de dégager la pensée ou de la délivrer des viles conditions, l’effort même de la poésie, tend vers Dieu : et, symbolique en son essence, la poésie va se confondre avec l’idéologie religieuse.

On a vu comme, dans ce poème, la rêverie monte de la terre et