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tous les sacrifices pour donner de la beauté à leurs contemporains. Alors ce pourrait être quelque chose de charmant et même de très beau. Les architectes s’inspireraient des villas antiques, dont les mosaïques du Bardo et des autres musées africains nous ont conservé l’image très précise. Ce serait l’occasion de rénover plusieurs arts tombés en oubli : celui des architectures végétales dans les jardins, des xystes, des exèdres, des portiques fermés pour l’hiver, et l’art des fontaines, des pergolas, des kiosques rustiques La peinture et la sculpture décoratives reprendraient un sens et si l’on peut dire, une utilité. Enfin, on nous restituerait cet art délicat et somptueux que fut la mosaïque, cet art qui a fini par disparaître à peu près complètement, ou qui s’est abâtardi aux mains des Italiens. Les figures du mosaïste d’aujourd’hui sont devenues quelque chose d’aussi banal, d’aussi photographique que nos figures de vitraux modernes. Qu’on étudie celles des mosaïques de Sousse ou du Bardo, on y trouvera avec un dessin naïf, toujours original, d’une stylisation extrêmement curieuse, les mêmes formes éclatantes et richement décoratives que dans les tapis orientaux. D’ailleurs, la mosaïque est essentiellement un tapis de fraîcheur, fait pour être foulé par des pieds nus. Il faudrait la concevoir ainsi, — et tout d’abord comme un bouquet de couleurs destinées à chatoyer et à délecter la vue. On pourrait l’employer utilement à remplacer les vulgaires carreaux de faïence qui tapissent nos corridors ou qui surmontent les linteaux de nos portes. Récemment ; à Alger, j’ai pu voir, en, guise d’enseigne, au-dessus de la porte d’un bain maure, une imitation de mosaïque romaine, trois poissons sur fond d’azur, comme il y en avait dans les bassins des fontaines ou des thermes antiques : l’effet était des plus gracieux, et le motif, tout à fait en harmonie avec le berbère romanisé, qu’on appelle le « style arabe. »

Mais, tant que nous sommes à rêver, autour de la Carthage neuve, une rénovation des arts et des styles antiques, pourquoi n’irions-nous pas jusqu’au bout de notre chimère ? A côté de ces villas néo-romaines, de véritables reconstitutions archéologiques sembleraient-elles si déplacées ? Le tout serait de rencontrer un architecte capable de nous reconstruire des thermes, de relever un cirque ou un amphithéâtre. A Athènes, ils ont construit de toutes pièces un stade moderne, en marbre pentélique, — et ce