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toutes ces arides matières d’érudition, mais communiquer au lecteur quelque chose de la passion fervente qu’elles lui inspiraient. Ce latiniste faisait aimer le latin. Cet amateur d’archéologie savait donner un intérêt aux vieilles pierres. Depuis qu’il est passé à Dougga, rien de capital n’a été trouvé. Si la topographie des ruines s’est étendue, leur physionomie, dans ses grands traits, ne s’est point modifiée. Je ne prétends donc pas apporter du nouveau, ni révéler quoi que ce soit. D’ailleurs la silhouette de Dougga a été popularisée par la photographie et par l’affiche. Tout le monde connaît, cet élégant profil de temple capitolin, dressant, au sommet d’un mamelon de couleur fauve, parmi les blancheurs ensoleillées des ruines et les sombres verdures des bois d’oliviers, son péristyle et son attique, qui se détachent sur le bleu tendre du ciel comme un minuscule tabernacle de vermeil : forme exquise, réellement unique, inoubliable au milieu d’une foule d’autres pareilles…

Je n’ajouterai pas grand’chose à cette charmante image. Je voudrais seulement attirer l’attention sur certains détails d’une couleur ou d’une ligne extraordinaire, sur certaines particularités des bâtisses, — puis enfin sur l’état actuel de la ville morte et ce qu’il y aurait à faire peut-être pour en rendre la visite encore plus attrayante.

Le périmètre en paraît d’ailleurs assez restreint, autant qu’on en peut juger par les deux portes monumentales qui la délimitaient au Nord et au Sud : l’arc de Septime Sévère et l’arc d’Alexandre Sévère. L’étendue enclose dans ce périmètre, il est d’abord assez difficile de s’en rendre compte, l’aire de la ville ancienne étant encore à demi écrasée sous les gourbis d’un village indigène, tout hérissé de fascines, aux ruelles sordides et mal odorantes, piétinées et salies par les ordures des troupeaux. Du moins ces cubes aplatis et blanchis à la chaux ont l’avantage de ne pas faire un contraste trop violent avec les blancheurs des ruines. En outre, les odieux Byzantins avaient étranglé le Capitole et le quartier avoisinant dans une de leurs petites forteresses massives, bassement utilitaires, bâclées à la hâte avec des matériaux d’emprunt et qui, aujourd’hui, ont l’air d’un jeu de dominos, ou d’un « jeu de constructions » en déroute. Sous ces diverses excroissances parasites, on a fini par dégager un temple de Saturne et une chapelle de Neptune, une basilique chrétienne, un théâtre, un capitole et le forum avoisinant, une rue entière