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(municipium Septimianum, Aurelium, Antonianum, Herctdeum, frugifera Thignica), — signalée au voyageur moderne par les décombres d’une forteresse byzantine qui recouvre en partie et qui offusque ses ruines. On y reconnaît pourtant les vestiges d’un temple de Mercure, d’un temple de Saturne et d’un petit amphithéâtre. Une inscription encastrée dans le mur de la forteresse et qui attestait la réfection, sous Constantin, du marché aux légumes, rappelle que cette « frugifera Thignica » fut non seulement un pays de céréales, mais un verger plein de fruits, un grand jardin et un grenier d’abondance. Encore quelques lieues, et ce sont les ruines de la Civitas Sustriana, dont il ne subsiste plus que les débris d’une porte marquée d’étranges sculptures, — et enfin Teboursouk, autrefois Thubursicum Bure, avec ses nécropoles puniques et ses murailles byzantines où se lisent encore les noms de l’empereur Justin II et de l’impératrice Sophia.

Évidemment ces ruines sont modestes. Elles n’excitent point d’abord l’imagination. Quand, suivant la phraséologie des archéologues, on parle d’une « arche ou d’une porte triomphale, » il ne faut point se hâter de concevoir des merveilles. Néanmoins je me rallie pleinement à l’avis du docteur Carton[1] qui demande qu’on dégage et qu’on restaure ces vieux débris. Discrètement réparés, ces petits temples et ces petits arcs de triomphe municipaux formeraient une avenue monumentale fort agréable à voir pour le voyageur moderne qui va visiter Thugga. Elle lui mettrait en quelque sorte sous les yeux cette idée essentielle qu’une ruine romaine, en Afrique, n’est pas un accident, une singularité isolée, mais qu’elle fait partie d’un grand ensemble, d’un vaste réseau qui englobait tout le pays.


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Thugga a été maintes fois décrite par les archéologues qui l’ont fouillée, depuis le docteur Carton jusqu’à MM. Poinssot, Homo et Merlin. Ici même, Gaston Boissier, — voici bientôt trente ans, — en a dessiné une de ces images simplifiées où il excelle et où l’on sent, avec le culte habituel de l’auteur pour tout ce qui est romain, l’émotion et la surprise de la découverte. Cet aimable esprit savait non seulement faire de la clarté sur

  1. Cf. Dougga-Thugga, par le Dr Carton. Niérat et Fortin, éditeurs, Tunis.