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s’abat au même instant. A la gare, j’apprends que les Allemands ont pénétré dans Dixmude par l’Est, et je continue vers le pont. Je constate presque aussitôt que la batterie de 75 placée près de la gare ne tire plus, et, comme je lui en demande la raison, elle me répond qu’elle a vidé totalement ses coffres. Je ne peux que lui ordonner de se retirer, la trouvant trop exposée puisque inutile.

Au-delà du pont-route, que je franchis vers 13 h. 30, je trouve une situation confuse, qui me donne l’impression d’une déroute, car je rencontre des troupes débandées, plus ou moins dépourvues de leurs armes, et même de leurs équipements. Naturellement, je n’obtiens d’elles aucun renseignement précis. Toutefois, une section de marins de la compagnie des Ormeaux travaille avec ordre à l’établissement d’un barrage en avant du pont, et j’apprends par elle que notre front d’avant-postes a été forcé partout, et que la ville elle-même est déjà occupée en grande partie par l’ennemi, qui tiraille ou mitraille des toits et des fenêtres de beaucoup de maisons. Sentant bien que ma place n’est pas dans une bagarre de rues, je reviens sur la rive gauche, pour apprendre que le front au Nord de la ville a été crevé, lui aussi.

A 14 heures, j’envoie un agent de liaison à Oude-Cappelle, pour porter l’ordre de télégraphier ou de téléphoner à Furnes, au général Bidon, que je crains de perdre la ville et que je demande des renforts, surtout en artillerie. Peu de temps après, je vois arriver, blessé et trempé, le lieutenant de vaisseau Seryeix, adjudant-major du bataillon Rabot, qui occupe le front Nord de la ville, et il me met au courant de ce qui s’est passé dans cette région. De ses renseignements, et de ceux qui me parviennent encore de divers côtés, je déduis nettement que nous avons perdu toutes nos tranchées de la rive droite, que nos pertes sont très grosses, que la ville est partiellement occupée par l’ennemi, et que, pour refouler les Allemands hors de la ville, il faut entreprendre sur l’heure un combat de rues. Si je décide la contre-attaque, elle doit être immédiate, ou bien elle n’a aucune chance d’aboutir ; mais il faut alors que j’y emploie les troupes que j’ai sous la main, c’est-à-dire celles qui tiennent le front de l’Yser.

Je ne m’arrête pas à cette solution, parce que la position que j’ai la charge de tenir, c’est l’Yser et non la ville, et que, si