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diverses reprises que la défensive sans contre-offensive prévue serait la plus désastreuse des stratégies. Il évoquait l’exemple de Verdun, rappelant, qu’en 1916, on avait obtenu de grands résultats parce que la coalition, même au cours de la bataille défensive la plus redoutable qu’une armée ait jamais soutenue, avait gardé la volonté offensive qui, finalement, avait triomphé sur la Somme.

En 1918, son cœur de grand patriote souffrit cruellement au cours des premières journées de la dernière attaque allemande sur Paris.

Il intervint alors pour qu’on créât immédiatement le commandement unique et qu’il fût confié au maréchal Foch. Il affirmait que cet homme de guerre était le seul capable d’assumer une telle charge en de telles circonstances. Instruit de tous les détails de la situation, il possédait la science et l’expérience nécessaires pour réparer les fautes commises et pour conduire la coalition au succès final.

La gratitude de la France devait unir dans une même apothéose les deux chefs de la Grande Guerre. Le 14 juillet 1919, le maréchal Joffre et le maréchal Foch passaient côte à côte sous l’Arc de Triomphe.


La vie du maréchal Joffre, au cours de ces dernières années, se confond avec l’histoire même de la France. Sur la grandeur et l’étendue des services qu’il a rendus à son pays, le peuple français ne s’est pas trompé une minute ; d’instinct, son affection, son admiration et son respect sont ailes au vainqueur de la Marne et lui restent fidèles. On a essayé de contester les titres du soldat ; personne n’a mis en doute la loyauté, l’honnêteté, l’autorité de l’homme et du commandant en chef.

Nous affirmons ici hautement, pour avoir vu les choses de près, que sa gloire apparaîtra à l’avenir pure et sans tache. Qui serait assez insensé pour dire qu’aucune faute n’a été commise ? Mais qui nierait que ce grand Français et cet incomparable chef, par la valeur des services rendus, s’est placé au premier rang ? Voilà ce qu’on ne lui enlèvera pas. Le maréchal Joffre restera, pour l’histoire, le sauveur de son pays, et l’un des grands serviteurs de l’humanité.


GABRIEL HANOTAUX.


Lt-Colonel FABRY.