Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/522

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elevé à la campagne, il connaît les paysans et sait comment on parle avec eux. Après une revue au cours de laquelle il s’était entretenu avec plusieurs soldats, l’un d’eux s’entendit reprocher par son officier d’avoir raconté trop longuement ses petites histoires au Maréchal. « Ce n’est pas toi, répond le soldat, qui va m’apprendre comme il faut parler au grand-père ! »

« Pilsudski, m’a-t-on dit encore, n’est pas un militaire de métier ; mais il a fait la guerre. Il n’est pas non plus un grand parlementaire ou un grand diplomate, bien qu’il ait su acquérir en peu de temps l’expérience et l’autorité d’un véritable homme d’État ; mais, avant toutes choses, c’est un grand patriote. »

Je retiens enfin ce jugement d’un industriel galicien, comme l’un des plus profonds que j’aie entendu porter sur le Président de la République polonaise :

« L’homme du peuple, me disait-il, ouvrier ou paysan, a le sentiment qu’avec Pilsudski comme chef, l’Etat a cessé d’être son maître ou son oppresseur, pour devenir son allié et son ami. Pilsudski est devenu pour tous les Polonais le symbole vivant de l’indépendance retrouvée. Quand nos ouvriers ont débarrassé de leurs noms allemands les deux puits de la mine que vous avez visitée, ils ont baptisé l’un Kosciuszko et l’autre Joseph Pilsudski. Quelques sceptiques sourient et observent : ce n’est là que du sentiment ! Ils ont tort et oublient simplement ceci : on ne gouverne pas la Pologne seulement avec la tête, il faut la conduire avec son cœur. »


MAURICE PERNOT.