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conscription à une très forte majorité ; l’opinion américaine, vivement impressionnée, reporta tout le mérite de ces fortes décisions sur l’autorité personnelle et directe du maréchal.

Quand, après le voyage triomphal accompli dans les États du Centre et de l’Est, et au Canada, le maréchal Joffre retrouva, le 14 mai, à Washington, le ministre de la guerre M. Baker, l’accord était définitivement établi. La note que le maréchal Joffre avait préparée fut solennellement acceptée par le ministre. Encore que cet échange de vues n’ait pas été l’objet d’un protocole officiel, il a véritablement constitué la charte de l’union militaire entre l’Amérique et les puissances engagées dans la guerre. M. Viviani pouvait, dès le 20 mai, en télégraphier la teneur au gouvernement de la République. Depuis, tous ses articles ont été scrupuleusement observés par l’Amérique. Le maréchal apportait à la France le concours d’une armée magnifique et qui devait faire pencher définitivement la balance.

Le maréchal avait foi dans le succès de l’intervention américaine. Il disait et répétait sans cesse au gouvernement français et à l’opinion : « Ayez confiance. »

Sans doute il eût été, sur le théâtre de la guerre, le guide le plus autorisé de l’armée américaine ; on recourut à lui, mais en l’écartant toujours de l’action officielle et publique. Il fut le parrain de l’armée américaine, avec tout ce que ce mot comporte de bonne volonté platonique. Ne disposant, en réalité, près des chefs de l’armée française et de l’armée américaine, que de son autorité personnelle, il l’exerça avec tact et dans le souci de l’intérêt général, s’effaçant le plus souvent, apparaissant seulement lorsqu’on le lui demandait et pour aplanir quelque difficulté, encourageant ses amis du monde militaire, conservant avec Washington des relations personnelles dont l’avenir montrera sans doute combien elles furent avisées et prévoyantes.

Ainsi, sans situation définie, le maréchal Joffre a vu venir la fin de la guerre, s’efforçant, au cours des années 1917 et 1918, de faire prévaloir les trois grandes idées qui, à son avis, devaient rapprocher la date de la victoire : l’unité de commandement ; la restauration de l’esprit offensif dans l’armée française ; la création d’une grande armée américaine autonome conforme au désir des États-Unis eux-mêmes.

Au cours de l’hiver 1917-1918, alors qu’on paraissait abandonner toute idée d’offensive pour l’année 1918, il déclara à