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la Galicie et surtout la Posnanie, et de susciter dans ces deux provinces de graves mécontentements. Une profonde et vivante unification de la Pologne ne peut être que le résultat de dix ou quinze ans d’efforts progressifs et prudemment réglés. Encore devrions-nous tendre, non pas à une centralisation outrancière, mais bien plutôt à cette organisation régionale, dont la France semble vouloir nous donner le modèle, et qui, chez nous, aurait l’avantage de laisser à des villes comme Poznan, comme Cracovie, comme Lwow, qui furent longtemps de petites capitales, l’influence économique et le prestige intellectuel qu’elles continueront d’exercer au plus grand bénéfice du pays tout entier.

« La grande difficulté, c’est que, si nous avons des hommes politiques, nous manquons d’administrateurs et de fonctionnaires, à tous les degrés. En Russie et en Allemagne, les Polonais étaient systématiquement écartés des affaires de l’Etat. Nos Posnaniens, qui sont passés maîtres dans l’administration privée, marquent une certaine répugnance à accepter des fonctions publiques. Et pourtant, nos meilleurs voïvodes (gouverneurs de région) sont peut-être les anciens administrateurs de grands domaines. Restent les Galiciens, qui ont la pratique des affaires, mais que leur carrière antérieure a souvent rendus suspects, soit de secret attachement à l’Autriche, soit de tendance réactionnaire. Or, la Pologne veut être un État démocratique et ne peut pas être autre chose. Il appartient à ceux qui la dirigent de susciter les dévouements, d’utiliser les compétences, sans oublier qu’il ne s’agit pas de faire vite, mais de faire bien. »


ENTRETIEN AVEC M. DMOWSKI : L’ÉPREUVE DE LA POLOGNE

On était au milieu de juillet. L’avance des bolchévistes se poursuivait sans arrêt, menaçant immédiatement Varsovie. M. Pilsudski avait rappelé le général Joseph Haller, qui se reposait à Zakopane, pour le mettre à la tête de l’armée des volontaires, et avait demandé à la Diète de confier l’initiative et la responsabilité des mesures d’organisation et de résistance à un « Conseil de Défense nationale, » où siégeraient, à côté des délégués des partis, les principaux ministres et les représentants de l’État-major général. Tout d’abord, les socialistes avaient déclaré qu’ils n’entreraient pas dans le Conseil, s’ils n’entraient aussi dans le Cabinet. Deux tentatives, inspirées, dit-on, par le