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POLOGNE ET ALLEMAGNE

Si la nécessité, pour la Pologne, de se garder du côté de l’Allemagne n’était pas inscrite sur la carte et dans l’histoire, les Allemands eux-mêmes l’auraient, depuis un an, clairement démontrée. Sans parler de leur attitude provocante à Dantzig et en Haute-Silésie, ni des violences exercées par leurs agents, lors des plébiscites, à Allenstein et à Marienwerder, la satisfaction bruyante et rageuse que leurs journaux laissèrent éclater à l’occasion des défaites polonaises suffit à nous édifier sur leurs sentiments et sur les intentions de leur politique. L’alliance plus ou moins formelle avec les bolchévistes, le ravitaillement de l’armée rouge en armes et en munitions, l’accueil fait aux Russes fuyards par les populations de la Prusse Orientale, autant d’indices qui révèlent le fond de la pensée allemande : l’Allemagne fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher qu’une Pologne indépendante subsiste à ses côtés et la sépare de la Russie. Dès le premier jour, les Allemands ont affecté de ne pas prendre au sérieux la reconstitution de l’état polonais, et, comme ils avaient coutume d’appeler Saisonarbeiter (ouvriers de saison), les paysans polonais qui venaient chaque année chez eux faire les moissons, ils ont baptisé ironiquement la Pologne du nom de Saisonstaat.

Naturellement, c’est en Posnanie, dans l’ancienne Pologne prussienne, que la haine de l’Allemand apparaît sous la forme la plus vive. Les lois d’exception, les tracasseries, les persécutions édictées par le gouvernement de Berlin eurent pour principal effet de raidir et de fortifier la résistance des Polonais. Longtemps l’esprit national avait paru rester l’apanage des hautes classes, qui l’entretenaient avec soin et le défendaient avec courage. La loi d’expropriation et la persécution des enfants, auxquels un règlement scolaire interdit l’usage de la langue polonaise, même pour la prière, réveillèrent chez les paysans le sentiment patriotique et la haine de l’oppresseur. Un clergé admirable s’employa à développer et à faire rayonner partout, dans les villes et dans les campagnes, la flamme ainsi ravivée. Comme le gouvernement prussien ne tolérait pas en Posnanie la formation de syndicats professionnels polonais, les curés invitèrent les ouvriers, industriels ou agricoles, à