Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/450

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous avons, en outre, consenti à ce que M. Simons insérât dans sa déclaration une phrase déplacée et dangereuse ; nous l’avons autorisé à dire, contre toute vérité, que certains événements, s’ils ne justifiaient pas ceux de Breslau, pouvaient jusqu’à un certain point les expliquer. Nous avons ainsi favorisé nous-mêmes indirectement les manœuvres de l’Allemagne dans les territoires plébiscitaires. Aussi bien, devant la commission du Reichstag, M. Simons n’a-t-il pas craint d’indiquer que, si l’Allemagne reconnaissait jamais à la Haute-Silésie une autonomie relative, ce ne serait, en toute hypothèse, qu’à l’intérieur du Reich et de la Prusse. Il n’est pas possible de dire plus nettement que le traité de Versailles est un nouveau chiffon de papier. Dans le même discours, M. Simons nous a, d’ailleurs, spontanément montré que nous l’avions, en dormant, échappé belle et que, sans la Marne polonaise, l’Allemagne aurait vraisemblablement mis sa main dans celle du bolchevisme. Il a parlé de la Pologne en termes très aigres et très menaçants ; et il a avoué qu’il avait longtemps pesé le pour et le contre avant de conserver la neutralité entre les Polonais et les Soviets. Dans la balance dont il a ainsi surveillé les oscillations, c’est la fortune des armes qui a seule jeté le poids décisif. L’Allemagne jusqu’ici reste donc l’Allemagne. C’est le général de Seeckt qui le proclame lui-même dans l’ordre du jour qu’il a adressé le 2 septembre à la Reichswehr : « Nous voulons tous maintenir dans la Reichswehr et dans le peuple l’esprit qui, jadis, à travers cent champs de bataille, nous a conduits à Sedan. » La France est avertie : ni demain, ni plus tard, elle ne se laissera ramener à Sedan.


Raymond Poincaré.
Le Directeur-Gérant :
René Doumic.