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même peu à peu cordiales. Mais, pas plus sur le Danube qu’ailleurs, ne cherchons à nous procurer des amitiés de rechange ni même à doubler nos amitiés anciennes d’amitiés supplémentaires. Ceux qui ont été avec nous dans la conclusion de la paix doivent rester près de notre cœur, et ceux qui sont encore contre eux ne peuvent pas être entièrement avec nous.

Si la loyauté nous impose cette unité de conduite, notre intérêt nous la commande également. Ce ne sont pas seulement nos amis qui ont à défendre leur paix ; nous avons nous-mêmes à défendre la nôtre et l’altitude de l’Allemagne n’est toujours pas faite pour dissiper nos défiances. Il faut bien répéter constamment la même chose, puisque le temps passe sans apporter à la situation générale aucune amélioration. Que le gouvernement du Reich ait à peu près accordé à la France les satisfactions qui lui avaient été demandées après l’attentat dirigé à Breslau contre notre consulat et contre notre pavillon, c’est bien ; mais ce témoignage apparent de bonne volonté ne doit pas nous aveugler. Les demandes formulées par la France étaient d’une extrême modération. La préméditation et la gravité de l’insulte auraient amplement justifié des réparations plus sérieuses. Si les Allemands avaient été vainqueurs et s’il nous était arrivé, après la paix signée, de mettre à sac un de leurs consulats, nous n’en aurions pas été quittes à si bon compte ; ils auraient su nous rappeler le mot de leur Bernhardi : « Il ne faut laisser aux vaincus que leurs deux yeux pour pleurer. » Mais enfin, c’est entendu : la France a des manières plus chevaleresques ; elle s’est donc contentée, d’un minimum d’excuses, ce qui n’a pas empêché la presse allemande, hormis de rares journaux comme le Tageblatt et le Vorwaerts, de qualifier nos réclamations de déraisonnables et d’insolentes. Comment osions-nous demander une peine disciplinaire contre le capitaine d’Arnim ? Comment avions-nous l’effronterie d’exiger que le chancelier du Reich vint exprimer lui-même à l’ambassadeur de France les regrets du gouvernement allemand ? L’état d’esprit dont cette campagne attestait la permanence aurait dû nous engager, tout au moins, à ne rien céder de nos demandes. Nous avons cependant fait à l’Allemagne deux concessions dont elle a immédiatement abusé. Concessions de forme, dit-on. Non pas. Nous pouvons être sûrs que, si l’Allemagne a cherché à obtenir des changements de forme, c’est qu’ils réagissaient sur le fond. Nous avons accepté que ce ne fût pas le chancelier du Reich, mais le ministre des Affaires Étrangères, qui présentât des excuses à notre ambassadeur et la démarche a par-là beaucoup perdu en solennité.