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fidélité. J’ai dit précédemment que le traité de Versailles n’avait pas déterminé la frontière orientale du nouvel État qu’il créait. Il s’ensuit qu’une partie de la presse polonaise revendique non seulement tous les territoires englobés dans les limites de 1772, même lorsque les Polonais n’y sont pas en majorité, mais des districts situés encore plus à l’Est. Une ligne théorique a bien été tracée l’année dernière par Lord Curzon et elle a même reçu, depuis lors, dans les chancelleries le nom de l’homme d’État britannique ; le 8 décembre 1919, le Conseil suprême avait pris le parti d’adopter cette ligne comme frontière orientale provisoire ; mais aucun accord définitif ne s’est établi sur ce point avec la Pologne. Les Bolchevistes eux-mêmes, au moment où ils s’imaginaient entrer à Varsovie, se déclaraient disposés à se montrer moins parcimonieux que le Conseil suprême et reconnaissaient à la Pologne une plus large bande de territoire à l’Est de Bialystok. Tout est donc encore en suspens. Il y aura une moyenne équitable à établir entre les intérêts opposés et nous avons le ferme espoir que la Pologne sera aussi sage à Riga qu’elle a été vaillante sur les champs de bataille.

Il est à souhaiter qu’aussitôt sortie de la terrible crise qu’elle vient de traverser, elle se rapproche le plus étroitement possible de la Tchéco-Slovaquie et de la Roumanie. Les relations entre Tchèques et Polonais ont souvent été un peu tendues en ces derniers mois. À la fin de mai, on était même allé jusqu’à lancer la nouvelle, heureusement fausse, d’une rupture diplomatique. C’était, on se le rappelle, à propos du sort de Teschen. Les Alliés, qui avaient laissé mûrir cette pomme de discorde entre les deux pays, ont-ils tout fait pour les réconcilier ? D’une manière générale, ils ont créé des États, comme des dieux qui lanceraient des mondes dans l’infini, sans leur tracer des orbites et sans fixer les lois de leur gravitation. On ne peut cependant laisser au hasard le soin de former les constellations politiques et les Alliés sont directement intéressés à ce que les nations qu’ils ont aidées à se constituer ne se groupent pas demain suivant des affinités contraires. Le distingué ministre des Affaires étrangères de Tchéco-Slovaquie, qui est, depuis longtemps, un ami de la France et qui n’a pas attendu la signature de la paix pour nous donner la preuve éclatante de ses sentiments, vient de prendre une initiative qui doit nous faire réfléchir sur les inconvénients de notre abstention. Il est entré en rapports avec le Royaume Serbe, Croate et Slovène et avec la Roumanie pour fonder ce qu’il a appelé la Petite Entente. Cette association de nos amis n’est assurément pas