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bien s’accommoder de l’hégémonie prussienne. Comme l’avait fait remarquer Rittler, on vivait depuis 1866 avec une blessure très grave, et l’on avait reçu quatre ans plus tard un coup presque mortel. Mais l’on respirait encore, et l’on ne voulait rien céder de ce qui permettait de subsister, fût-ce péniblement. Les concessions faites à la Prusse avaient été suffisantes : on les regrettait. Donc le programme minimum consistait tout au moins à ne pas laisser s’aggraver une situation déjà douloureuse. Mais à côté de cette ambition modeste, il y en avait d’autres, et plus Gères et plus radicales, qui menaient tout droit au séparatisme. Par-delà les mots officiels de Bund et de Reich, ce que l’on apercevait très nettement, c’est l’état de servitude dans lequel avait été réduite la Bavière. Non seulement le royaume ne désirait pas subir le même sort que Bade ou la Saxe, mais encore il voulait briser les liens qui l’enserraient. Tandis que les partis d’Empire se déclaraient prêts à tous les sacrifices pour l’unité, les particularistes protestaient que cette unité était une chimère.

Ils le répétaient avec une inlassable insistance. Plus de vingt discours prononcés à la Chambre attestèrent que l’accord était impossible entre le Nord et le Sud, que les deux peuples comprenaient et entendaient résoudre de façon différente les problèmes de la vie politique et sociale. Divers publicistes l’affirmèrent à plusieurs reprises avec la plus sincère énergie. L’Empire bismarckien n’était à leur avis qu’un accident passager ; l’état territorial de l’Allemagne, tel qu’il résultait de 1866, ne présentait pas un caractère plus définitif que la constitution à laquelle elle était soumise. La géographie donnait des avertissements dont les fondateurs de l’unité n’avaient pas voulu tenir compte. L’histoire apportait des leçons qui prouvaient l’impossibilité d’un pouvoir central en Allemagne, à moins qu’il ne fût imposé par la contrainte de la force. Les différences que l’on constatait entre les populations des divers États découlaient de leur passé, et elles étaient aussi profondes que les variations des dialectes. « Il ne faut pas pousser davantage la centralisation, déclarait Franziss ; il ne faut pas abandonner à l’Empire de nouveaux droits particuliers parmi ceux qui nous restent. Une histoire de deux mille ans prouve que les Allemands, par ce qu’il y a de plus intime dans leur tempérament, répugnent à constituer un État unifié semblable, à celui que