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hautain des hobereaux de l’Est. Tout ce qui pouvait arriver de bon à la monarchie prussienne le laissait froid et indifférent ; il se réjouissait au contraire des humiliations ou des blessures d’amour-propre qu’elle ressentait le plus cruellement. Mais ce monde féodal, encore plongé dans la nuit du moyen-âge, et qui excitait à la fois sa fureur et son ironie, lui paraissait aussi capable d’entraîner sa propre patrie dans un abîme de catastrophes.

Les catholiques, au point de vue confessionnel, redoutaient une nouvelle explosion de fanatisme protestant. En 1905, les Historisch-politische Blätter prévoyaient un second Kulturkampf aussi violent que le premier, conduit cette fois sans Lois de mai, mais avec tout un arsenal de calomnies qui représenteraient la religion romaine comme inconciliable avec les formes de l’État moderne, lui attribueraient les idées les plus extravagantes, la livreraient à la haine et au mépris public. En 1908, la même revue s’exprimait plus clairement encore : « Tous nous espérons et nous avons confiance que l’Allemagne saurait maintenir sa situation dans le monde contre les dangers soit intérieurs, soit extérieurs. Mais nous savons aussi que nous devons obtenir en Allemagne la réalisation de nos droits, c’est-à-dire l’honnête parité, avant que de nouveaux combats n’ébranlent le monde. Si nous ne le faisons pas, nous n’y arriverons pas après une guerre victorieuse. » Ce texte révèle, à n’en pas douter, que les catholiques bavarois ne désiraient pas de conflit européen, et que, si celui-ci venait à éclater, un succès des armes germaniques ne leur paraissait pas désirable. Avec moins de détours encore, Sigl en 1891 avait crûment souhaité la défaite : « La prochaine guerre, avait-il écrit, doit rendre la Prusse seule maîtresse dans l’Empire allemand. C’est pour cela que nous autres Bavarois, nous sacrifierons des millions de notre argent et des centaines de mille de nos meilleurs hommes. La guerre future a pour la Bavière une importance particulière : elle décidera de son existence ou de sa non-existence. Si elle se termine par notre défaite, il arrivera ce qui pourra de l’Empire allemand, mais le vainqueur a un grand intérêt à nous ménager. Si l’Allemagne sort de la lutte absolument victorieuse, comme en 1870, que deviendra la Bavière ? Une province du royaume de Prusse 1 Une guerre victorieuse serait la fin de la Bavière. »

Tant que les accords de Versailles restaient en vigueur, — « et le royaume était trop faible pour y rien changer, — il fallait