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adressées de se laisser absorber, les Bavarois les plus placides observaient que l’Empire constitué comme il l’était présentait une solidité suffisante et qu’ils n’apercevaient pas la nécessité d’y rien changer. D’autres ripostaient aux outrages par de violentes offensives, ameutaient le peuple en le prenant à témoin des impertinences prussiennes, et livraient d’acharnées batailles. Toutes les élections à la Chambre des députés servirent de prétexte à des campagnes sans merci, et les succès du Centre, quand il en remporta, provoquèrent de véritables explosions de patriotisme bavarois. Il en fut de même chaque fois qu’un incident retentissant ranimait les querelles assoupies et mettait aux prises les deux races hostiles. Au cours de ces longues années de lutte, les Bavarois ont dessiné de la Prusse et de l’Empire une image parfaitement fidèle, où chaque trait ressort avec une incroyable netteté.

Le dogme, venu du Nord, de la Kultur germanique, n’a pas rencontré d’adversaires plus déterminés qu’en Bavière. Dans les milieux catholiques, on a hautement protesté contre cette invention prussienne qui prétendait faire du progrès matériel le but suprême de l’humanité. Ratzinger, en 1881, a observé qu’il s’agissait là d’une confusion intellectuelle extrêmement regrettable ; il établissait qu’il y avait une différence fondamentale entre le progrès moral et le progrès matériel ; il demandait que pour le premier l’on employât le mot de « civilisation. » En 1908, les Historisch-politische Blätter écrivaient à nouveau que cette civilisation était en Europe d’origine gallo-romaine, que c’est sur ces bases gallo-romaines que toutes les institutions politiques et religieuses avaient été édifiées, mais que, dans les territoires de l’Allemagne du Nord, la civilisation ainsi définie avait exercé son action pendant beaucoup moins de temps qu’ailleurs. En d’autres termes, la Kultur était une conception de demi-civilisés protestants qui substituaient des apparences et des signes extérieurs à la réalité.

Par de telles critiques, les représentants les plus autorisés du catholicisme prenaient leur revanche des injures dont on les accablait à cause de leur religion, et l’on doit reconnaître qu’ils touchaient juste. De leur côté, les démocrates s’inquiétaient des menées luthériennes. S’ils voyaient sans plaisir l’activité que déployaient en Bavière les évêques et le clergé au moment des élections, ils n’étaient pas plus tendres pour