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Horn, joignit ses observations aux siennes ; il releva en outre qu’Oldenburg-Januschau, à propos de la bataille de Rosbach, avait insulté les contingents allemands qui luttaient avec les Français, que, parmi ces contingents allemands, se trouvaient quelques troupes de Wurzbourg, et que pour ce seul fait le plénipotentiaire militaire du royaume au Bundesrat aurait protesté, s’il avait eu connaissance de l’incident. Plus tard, lorsqu’à l’occasion de l’affaire de Saverne le général prussien Kracht eut accusé les Bavarois d’avoir lâché pied devant les Français en 1870, cet outrage souleva en Bavière la plus violente indignation.

Mais, au demeurant, pourquoi les maîtres de l’Allemagne se seraient-ils gênés ? Ils n’avaient devant eux qu’un petit État faible, battu en 1866, réduit à l’impuissance quelques années plus tard, et qui ne méritait aucune estime, pas même la moindre considération. A en croire les gens du Nord, la population du royaume était arriérée et partant méprisable. « L’esprit bavarois est toujours embrumé par des vapeurs de bière, » écrivait K. Stein, et Treitschke, avec tout le poids de son autorité professorale, proclamait que la réserve des droits sur la bière avait dû être consentie « à cause de la soif que tout Bavarois apporte en naissant. » Peuple d’ivrognes et peuple de brutes ! Pour les Prussiens protestants, le catholicisme était responsable de la dégradation morale dont étaient atteints la plupart des sujets des Wittelsbach. Les paysans n’étaient que des « bêtes à voter entre les mains de leurs vicaires ; » les crimes de droit commun « étaient favorisés et protégés par les dogmes et les institutions de l’Église catholique. » Avec une patience inlassable, les journaux luthériens s’efforçaient de prouver que les fidèles de la religion romaine sont partout moins riches, moins actifs et moins savants que les protestants. Les Bavarois, à lire ces lourdes diatribes, constataient qu’ils étaient traités en suspects. D’ailleurs, on ne se faisait pas faute de leur faire savoir que la guerre était déclarée contre le « bétail noir » dont on aurait la peau : Wir werden das schwarze Kleinvieh schon unterkriegen. A la Prusse était dévolue la glorieuse mission d’apporter les lumières à un peuple égaré.

Un orgueil aussi démesuré, et qui se manifestait d’une manière aussi insolente ne pouvait prétendre à cicatriser des plaies encore ouvertes. Aux invitations qui leur étaient