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« Chacune des puissances alliées doit se tenir prête à enrayer sur son front avec ses propres moyens toute offensive ennemie ; dans le cas d’une attaque ennemie dirigée contre une des puissances de l’Entente, toutes les autres lui apporteront leur concours dans la limite du possible. »

L’offensive principale pour le général Joffre était toujours l’offensive franco-britannique. C’est sur le front occidental qu’avait été amenée la masse des armées allemandes ; c’est là que les troupes de la coalition étaient les plus vigoureuses et le mieux armées ; c’est là que résidait le général en chef. Donc, en France, devait se décider le sort de la guerre.

L’attaque franco-anglaise prévue pour 1916 prenait ainsi une importance considérable. Dans des conférences tenues entre le général Joffre et le général Douglas Haig le 14 février, la date de cette offensive conjuguée fut reculée jusqu’au 30 juin 1916. Mais déjà les zones d’action des deux armées furent déterminées ; l’armée française se battrait à cheval sur la Somme, se reliant aux armées anglaises qui combattraient au Nord de la Somme jusqu’à Arras.

C’est ici qu’il convient de mettre en lumière la pensée qui inspirait la manœuvre du général Joffre et qui déterminait subsidiairement le choix du terrain.

Si l’on considère le front de France avec les positions qu’y occupaient respectivement les deux armons depuis que la guerre s’était stabilisée, on remarque que les armées allemandes s’étant installées et fortifiées sur toute la région Nord-Est du pays, ne pourraient y être attaquées utilement que sur l’un ou sur l’autre des deux points où elles étaient le plus faibles, soit en Champagne, soit en Picardie. Chacun de ces deux terrains d’attaque offrait l’avantage de viser aux communications de l’ennemi : l’offensive combinée simultanément sur ces deux régions eût présenté les caractères de la « tenaille ». Mais, pour réussir, une opération d’une telle envergure eût exigé des effectifs immenses.

Il fallait donc choisir ou, du moins, alterner pour hisser le doute planer sur nos intentions et diviser, par conséquent, les forces de l’ennemi. L’attaque par la Champagne, si elle pouvait déboucher sur Rethel, eût présenté l’avantage de tourner le massif de Saint-Gobain-Laon et d’utiliser sur sa droite le point d’appui de Verdun. Mais, outre la distance à franchir, cette