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il faut compter cinq ans pour le retour à la production d’avant-guerre. Nous verrons tout à l’heure qu’à Lens, on peut tabler sur dix.

Le premier travail a été, ici comme partout, de déblayer la surface dans les secteurs industriels, de trier pièce à pièce tout ce qui était susceptible de resservir et de rétablir des installations de fortune.

Par exemple, tous les chevalements avaient été détruits : parfois coupés en deux au milieu, parfois renversés à la base. On s’est trouvé là devant un fouillis de ferrailles inextricable, dans lequel il a fallu pénétrer comme dans une forêt vierge en coupant au chalumeau oxy-acétylénique, mais en conservant tous les tronçons utilisables, numérotant et repérant les pièces enlevées pour réajuster le tout. Puis, la place nette, il a fallu réajuster et remplir les vides. C’est un travail de patience qui a été fort bien exécuté par de petits constructeurs liégeois. Pour donner une idée des difficultés auxquelles on s’est heurté, il suffira de citer un grand chevalement moderne de 45 tonnes qui avait été coupé en deux. On a employé, sur ce point, des vérins hydrauliques de 100 tonnes, avec lesquels on a pu remonter peu à peu des pièces pesant 20 tonnes, en rachetant quelques millimètres par quart d’heure. On est ainsi arrivé, avec le temps, à relever ces pièces de 3 mètres et à les mettre en place au demi-centimètre près ; après quoi, on a bouché l’intervalle de 3 mètres demeuré béant entre la base et la partie haute, en utilisant tant bien que mal des morceaux de fer pris ailleurs.

Dans un autre cas, tout un chevalement, coupé au pied, était tombé de sa base en décrivant un angle de 90 degrés. On a utilisé là d’énormes sapins de Lithuanie que les Allemands avaient autrefois fournis à la mine, en guise de boisages pour les galeries, afin de vendre à bon compte des troncs dont ils ne savaient que faire, mais que le hasard des circonstances a rendus plus tard précieux. Avec quatre semblables mais portant des mouffles, on est arrivé à remettre droit le chevalement et à le soulever de cinq mètres pour le replacer finalement sur sa base. Par des moyens de ce genre, on a finalement sauvé une douzaine de chevalements détruits sur trente : ce qui ne représentait pas seulement une économie d’argent, mais surtout un gain de temps considérable. Les autres chevalements en fer ont été remplacés provisoirement par des chevalements en bois ou