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des émissions de gaz toxiques dans la mine par les fosses 8 et 8 bis situées dans ses lignes.

La destruction systématique a causé un autre dommage sérieux en atteignant certaines parties essentielles des installations extérieures, qui auraient survécu au bombardement le plus intensif et le plus prolongé. Les chevalements des puits, en treillis métallique, que je comparais tout à l’heure à de petites tours Eiffel, résistent d’une façon extraordinaire aux obus, dont les éclats se bornent à en couper quelques pièces ; la pression des gaz explosifs, ce grand agent destructeur dans les obus, ne peut s’exercer sur un réseau de ferraille sans cohésion ; et il serait aisé de citer telle fosse du Nord, servant d’observatoire aux ennemis, sur laquelle on a tiré pendant des années sans réussir à jeter bas son chevalement. Au contraire, une charge d’explosifs, bien placée pour les couper au pied, les démolit aisément.

Si l’on joint à cela un pillage, d’abord désordonné, puis méthodique ; si l’on tient compte d’une sélection qui a visé partout les appareils les plus perfectionnés et les plus modernes, on s’explique aisément l’état où se présentent à nous nos pauvres mines. Les rares installations qui ont survécu sont celles que l’ennemi a méprisées comme totalement démodées et désuètes, celles pour lesquelles le temps a manqué, ou celles enfin qu’une heureuse chance et quelquefois une habile diplomatie, appuyée sur la connaissance de la psychologie germanique, se sont trouvées préserver.

Cette psychologie, qu’il importe de signaler parce que ses sophismes ont pu tromper des neutres trop disposés d’avance à y ajouter foi, est la suivante. Il s’agissait de réaliser la destruction projetée en se couvrant d’un prétexte pour qu’elle parût moins odieuse. C’est pourquoi les dévastations systématiques ont toujours été opérées sur la zone disputée du front, ou, plus à l’arrière, après un échec allemand, dans un moment de recul, quand les Allemands ont perdu l’espoir d’utiliser nos mines pour eux-mêmes. Tant qu’ils ont occupé nos charbonnages presque pacifiquement, ils les ont souvent laissés travailler d’une manière à peu près normale sous un régime de contraintes et de réquisitions ; le jour où ils ont pu craindre d’avoir à nous les abandonner, il ont jugé le temps venu d’accomplir leur programme primitif en les anéantissant Ainsi,