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armé. Alors, tant que ce cuvelage résiste, les eaux de cette grande nappe aquifère ne pénètrent plus directement dans le puits ; il en arrive seulement, dans les travaux, une quantité minime par de longs circuits fissurés traversant tout le terrain houiller ; et ces eaux, dans de telles conditions, ont une venue assez lente pour que les machines d’épuisement dont on dispose aujourd’hui en triomphent.

Pour préciser par des chiffres, disons que, dans une des mines les plus aquifères du Pas-de-Calais, une de celles heureusement échappées à l’invasion, à Bruay, l’entretien d’eau normal est de 5 à 6 000 mètres cubes par jour, et l’on est outillé pour en extraire 38 000 dans le cas d’une venue subite et exceptionnelle. Les niveaux d’eau de la craie au-dessus du terrain houiller, ceux qu’on traverse avec tant de peine, donnent parfois d’une façon continue, à Dourges, Marles, etc. jusqu’à 24 000 mètres cubes par jour, à peu près le 500e du débit de la Seine à Paris. Une mine abandonnée nécessite donc un épuisement d’eau journalier qui est le principal travail d’entretien pendant un chômage ; faute de quoi, elle est envahie étage par étage avec une vitesse ascensionnelle atteignant un mètre par jour et subit tous les ravages ordinaires d’une inondation. Si la nappe aquifère de la craie vient à entrer en jeu, comme cela s’est produit dans le Nord par la volonté criminelle des Allemands, l’introduction d’eau acquiert une rapidité qui peut être dix fois plus grande et l’on n’estime pas à moins de 30 millions de tonnes kilométriques cette sorte de lac souterrain qu’il va falloir vider dans l’ensemble de notre bassin houiller.

Il faut bien comprendre que, le jour où l’on a ouvert une mine, c’est comme si on avait préparé souterrainement un immense réservoir tout prêt à engloutir et à absorber les eaux souterraines de la craie, aussi bien que toutes les eaux pluviales ou fluviatiles circulant à la surface. La vie d’une mine est une lutte journalière contre ce monstre envahissant qui reprend la suprématie, dès que l’homme faiblit et s’arrête quelques heures, surtout si le cuvelage crevé d’un puits établit une communication directe entre les fissures aquifères de la craie et les terrains houillers de la profondeur.

C’est cette traversée d’une zone torrentielle, comparable au passage de nos métropolitains sous un fleuve, qui rend l’établissement d’un puits si long et c’est elle aussi qui a permis aux