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Epinal et devant Nancy, c’en était fait de notre défense de Verdun. Au lieu d’opposer à l’envahisseur un front orienté suivant la ligne Paris-Verdun, couvrant le centre de la France et toute la France, nous aurions dû livrer bataille suivant une ligne Lille-Paris dans des conditions autrement difficiles, autrement graves, autrement précaires.


LA BATAILLE DE LA MARNE

Ainsi le général Joffre, ayant conçu, pour prendre l’initiative dès le début de la guerre, un plan d’ensemble dont nous venons d’indiquer les raisons générales, tendit tous les ressorts de sa volonté pour la mise à exécution de ce plan.

Mais l’instrument se révéla plus lourd à manier qu’on ne l’avait pensé ; et cela apparut même avant la bataille de Charleroi. L’esprit pratique du général Joffre, peu satisfait des renseignements incomplets qui lui parvenaient sur l’orientation de la manœuvre allemande, sentit de bonne heure que le défaut d’équilibre s’accusait à son aile gauche, soit par le manque de confiance chez le commandant de la 5e armée, soit par une insuffisante coordination de toute cette aile gauche résultant de l’imperfection du commandement interallié, c’est-à-dire français, belge et anglais, soit, enfin, par suite des lenteurs de la mobilisation anglaise.

S’efforçant, malgré tout, de mettre en mouvement ce pesant outil, il le souleva dans les journées du 18-23 août. Par les ordres les plus nets et les plus clairs qu’il ait donnés peut-être, il en vint à l’exécution du plan conçu dès le temps de paix. Mais les causes de déséquilibre l’emportèrent. Recul des armées d’aile droite, échec des armées du centre, stagnation des armées d’aile gauche. D’instinct, dès que cet état de choses lui fut révélé, Joffre se refusa à s’attarder dans une situation qui correspondait si peu à la conception qu’il se faisait de la grande guerre.

C’est de ce sursaut intellectuel et moral qu’est résultée l’étonnante Instruction du 25 août 1914 vouée à l’admiration de l’histoire. Elle tranchait dans le vif et reportait l’ensemble du dispositif en arrière, jusqu’à ce que l’équilibre entre toutes les armées fût rétabli.

La bataille de la Marne est, comme on l’a dit, la fille de