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« Un siècle s’est écoulé — dans la vague sombre des temps — depuis qu’un cercle royal a entouré — notre vieux chapeau ducal. — Alors sont tombées des barrières vermoulues ; — une loi a apporté à tous l’égalité : — Palatinat et Bavière, Souabe, Franconie — se fondirent en un seul État. »

Avant 1870, les sentiments francophiles étaient demeurés très puissants en Bavière. Une fois que l’Empire eut été fondé, ils ne s’éteignirent pas tout à fait. Au moment du Kulturkampf, c’était sur nous que comptaient les particularistes pour secouer le joug de la Prusse. Ils nous le laissèrent souvent entendre. Les journaux catholiques bavarois multipliaient alors les appels à la France, ou bien, par la plume de Sigl et de ses émules, ils en déploraient l’inopportune faiblesse. Le 4 décembre 1874, Jörg, dans le grand discours qu’il prononça au Reichstag contre Bismarck, reprocha au chancelier ses « flagrantes immixtions dans les affaires intérieures de la nation française » et s’indigna qu’il pût se complaire, selon l’étrange expression dont il était l’auteur, à « envoyer à Versailles des jets d’eau froide. » Comme en 1871 les désirs d’agrandissement territorial de la Bavière avaient été déçus et que les Bavarois voyaient d’un très mauvais œil la main-mise de la Prusse sur l’Alsace-Lorraine, il y avait dans certains milieux quelque indulgence pour les revendications françaises, et les protestations des annexés y étaient favorablement accueillies[1].

Vingt ans après la guerre franco-allemande, les sympathies n’avaient pas encore faibli. En septembre 1891, comme l’alliance russe se dessinait déjà, le Fränkisches Volksblatt, journal catholique, recherchait de quels appuis pouvait disposer le particularisme bavarois contre la Prusse. Il éliminait l’Italie, qui, hostile à la reconstitution des États du pape, restait l’ennemie du Saint-Siège. L’Autriche était inféodée à Berlin. La France seule apporterait un utile secours. Il était stupide de penser, proclamait-il, que le parti du Centre devait être animé de sentiments allemands et qu’il devait soutenir l’Empire. Que signifiaient ces exigences de la Prusse ? Elle-même n’avait-elle pas fait appel à l’étranger, aux Suédois, aux Italiens, aux Hongrois pour satisfaire ses visées ? Ce qu’elle entend par égards pour la nation, c’est la fidélité qu’elle réclame en sa faveur. Il

  1. Cf. la collection des Historisch-politische Blätter, encore en 1911, t. 147, p. 145 et 930.