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entendre que, grâce à ce bon accord entre Vienne et Berlin, ils ne pouvaient compter désormais sur le secours de la double monarchie, et il n’est pas douteux que, par cet artifice, lui-même n’ait eu l’intention d’enchaîner celle-ci et de lui faire approuver sa politique allemande. Les Bavarois, au contraire, ont considéré que, du fait de la Triple-Alliance, l’Autriche reprenait sa place parmi les pays germaniques, apportant ainsi une garantie au royaume.

Ils protestaient que c’était folie de laisser la Prusse à la tête de l’Allemagne, car elle est habitée par des Slaves que les chevaliers teutoniques ont germanisés ; elle n’est donc pas allemande, tandis que dix millions d’Autrichiens le sont. Il était regrettable à leurs yeux que le problème posé au XIXe siècle, d’une Allemagne prussienne ou d’une Prusse allemande eût été résolu selon les conceptions de Bismarck. Du moins ne fallait-il pas aggraver l’état de choses créé en 1871. Les conventions qui avaient réglé la formation du nouvel Empire ne portaient pas atteinte à l’existence de l’Autriche. C’était là une circonstance heureuse, et cette existence devait être maintenue. Aussi les Bavarois patriotes dénonçaient-ils avec énergie toutes les tentatives esquissées pour faire pénétrer l’esprit prussien dans la double monarchie. Le mouvement qui avait pris pour devise le cri de Los von Rom et qui tentait d’amener au protestantisme les populations catholiques de l’Autriche inquiétait à juste titre les particularistes du royaume. Si leurs voisins du Sud en effet devenaient peu à peu luthériens, Vienne bientôt ne serait plus qu’un autre Berlin, et le catholicisme, soutien de la nationalité bavaroise, serait enserré de toutes parts.

L’agitation pangermaniste ne rencontrait pas plus d’indulgence : elle était elle aussi considérée comme un péril. Les patriotes, devant les menées des partisans de l’idée pan-allemande, ne cachaient ni leurs craintes, ni leur indignation. « On sait, écrivaient les Historisch-politische Blätter en 1908, que ces messieurs menacent de temps en temps l’Autriche de la mettre dans leur poche, et qu’ils pressent sur leur cœur avec la plus grande joie certains individus, coupables de haute trahison, qui s’agitent dans la monarchie des Habsbourg. » Et la même revue ajoutait : « On peut en croire les chefs de la politique pangermaniste, quand ils se défendent de songer à une annexion de la Bohême et de l’Autriche allemande, parce qu’ainsi