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comment finit la guerre.

Les négociateurs ont obtenu avec la plus grande difficulté l’imparfaite garantie d’une occupation provisoire de la rive gauche du Rhin. C’est en vain qu’ils ont exposé avec éloquence l’état lamentable où la guerre laissait leur pays : 1 30 0000 tués et 700 000 mutilés, soit plus de la moitié de ses hommes entre 19 et 34 ans, 162 milliards de dette (257 en évaluant la dette extérieure au cours du jour), 26 000 usines et 450 000 maisons détruites ; ruinée au ras du sol l’industrie d’une région qui produisait 94 pour 100 de ses tissus, 90 pour 100 de son minerai, 93 pour 100 de sa fonte, 55 pour 100 de son charbon ; le tiers de sa flotte marchande est détruit ; ses impôts vont passer de 4 milliards à 18 milliards. Ses alliés n’ont trouvé aucune combinaison financière pour lui venir en aide et lui marchandent toute créance privilégiée sur les indemnités à verser par l’Allemagne.

Pourtant c’est la France qui a porté dans la guerre le poids le plus lourd. Il faut le lui répéter, c’est par suite de circonstances impérieuses qu’il en était ainsi ; la maîtrise de la mer et le transport des troupes aussi bien que des ravitaillements exigeaient le développement d’immenses chantiers britanniques ; pour lui fournir du charbon, il fallait des mineurs dans les mines anglaises. Mais enfin, tous ces travaux pour le bien commun laissaient à leurs occupations, a l’abri du feu, beaucoup plus d’hommes en Angleterre qu’en France.

Un rapport présenté en mai 1917 à la commission de l’Armée de la Chambre des Députés vient d’être publié ; il établit que le front anglais en France était beaucoup plus garni que le front français et que l’arrivée des renforts britanniques ne correspondait pas à une augmentation proportionnelle du front, si bien qu’au kilomètre il y avait 6 600 hommes en 1915, 8 000 en avril 1916, 13 000 en octobre 1916. Par ailleurs, les divisions allemandes restaient beaucoup plus nombreuses sur le front français que sur le front anglais, 68 contre 37 en novembre 1916, 62 contre 47 en mars 1917, 74 contre 42 en mai 1917. L’auteur du rapport conclut en insistant pour que le front anglais soit augmenté de 125 kilomètres, afin que le poids de la bataille soit équitablement réparti entre les deux armées. — Le motif de cette réelle disproportion paraît lui avoir échappé : les unités anglaises, toutes de formation récente, avaient un besoin absolu de s’instruire avant de combattre, et on ne s’instruit pas dans