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sa gauche, avait perdu Méricourt et Willerval et avait dû reculer de 4 à 5 kilomètres en découvrant Lens. Elle semblait s’être arrêtée sur le front Petit-Vimy, Baillent, c’est-à-dire sur cette célèbre falaise boisée qui marque à l’Est l’extrémité des coteaux d’Artois, et domine « la plaine de Douai. »

C’était la position essentielle à fortifier et à défendre à tout prix. Mais le corps provisoire n’avait plus de réserves et plus de munitions.

— Dites bien, me répétait le général d’Urbal, que, soit à la division Barbot, soit à la division Drude, il n’y a pas un obus dans les coffres des sections de munitions, et qu’à la division Fayolle il reste aux sections 50) coups par pièce. Or je suis obligé de dépenser beaucoup d’obus pour soutenir mon infanterie. Dites enfin que la division Fayolle me demande des renforts et que je suis hors d’état de lui en fournir…

Lorsque, vers 9 heures je revins auprès du général de Maud’huy à la station de Dainville (4 ou 5 kilomètres d’Arras) avec ce compte rendu peu réjouissant, j’appris un événement bien plus grave encore : tout le front du 10e corps venait de craquer. En particulier, Neuville-Vitasse, après une lutte acharnée où le village était passé deux fois de main en main, avait finalement été enlevé par une très forte attaque allemande partant de l’Est et du Sud, et la chute de ce point d’appui, combinée avec un nouveau recul des territoriaux, avait amené la chute de toute la droite du corps d’armée : Hénin-sur-Cojeul et la cote 101, puis Boiry-Becquerelle, Boyelles, Hamelincourt et Moyenneville…

Un vaste trou dans la région d’Adinfer-Ransart s’était ouvert ainsi entre la droite du 10e corps en retraite vers le Nord-Ouest et la gauche des territoriaux en retraite vers l’Ouest.

Au Nord d’Arras, la cavalerie était impuissante à couvrir Lens qui tombait à ce moment même aux mains des Allemands. Et nous étions menacés d’être à notre gauche coupés du 21e corps comme nous étions menacés de l’être, à droite, de la 2e armée.

Ce fut un moment tragique. Mais l’émotion et l’anxiété furent vite refoulées au fond des cœurs ; et, vers 10 heures, le général de Maud’huy donna successivement l’ordre :

— Au 10e corps de tout faire pour se reformer et tenir solidement sur le front Tilloy-Beaurains-Mercatel, face à l’Est, et, au minimum, sur le front Mercatel-Ficheux face au Sud (où