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chef de l’État, Pildzuski et le président du Conseil, Paderewski, incarnant l’un les éléments populaires du pays, et l’autre les partis modérés, dont la collaboration réussit à faire l’union intérieure, à nouer la jonction cordiale avec les nations de l’Entente, à assurer la représentation et la participation de la Pologne aux travaux du Congrès de la Paix.

Grâce à eux, grâce à l’élite de patriotes qu’ils surent grouper, grâce, il faut le redire, à la fermeté de l’esprit public, malgré les difficultés inhérentes à sa situation et malgré celles qu’y ajoutèrent les incohérences et les erreurs politiques de l’Entente, la Pologne, dès le printemps de 1919, sortait du chaos. Elle possédait un gouvernement, une Diète régulièrement élue, un commencement d’administration ; une portion de son territoire national était reconquis. Si, malheureusement, les divisions Haller devaient renoncer à lui arriver de France par Dantzig, — déclarée ville libre seulement et non port polonais, — les trains innombrables qui les transportaient montraient à toute l’Allemagne l’uniforme bleu horizon de la nouvelle armée polonaise et des deux mille officiers français qui l’encadraient.

Combien périlleuse, néanmoins, demeurait la situation extérieure et intérieure de la Pologne ! Combien scabreux et hérissé d’obstacles le concours que pouvait lui donner la France ! Deux hommes, notre premier chargé d’affaires à Varsovie, M. Pralon.et le chef de notre mission militaire, le général Henrys, exercent avec un tact auquel on est heureux de rendre hommage le rôle délicat qui leur incombe. J’ai la bonne fortune d’en être le témoin.

Les attaches que j’ai eues en Pologne avant la guerre, les modestes fonctions que j’ai exercées dans l’organisation de l’armée polonaise en France, me valent d’être autorisé à apporter là-bas les paroles amicales et les assurances de sympathie intellectuelle dont aucun mandat officiel ne me contraint d’atténuer l’expression. Qu’il est soulageant parfois de n’être rien du tout, ni personne !

C’est le 12 juin que je m’embarque à la gare de l’Est, dans le grand train militaire international, dont les panonceaux tricolores ont signifié notre victoire aux populations libérées du cauchemar de la Mittel Europa germanique. En soixante heures, nous traversons la Suisse neutre, le Tyrol qu’occupent les Italiens, Vienne où une foule anémiée erre dans le Prater