Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La plus puissante, et la moins noble, est précisément celle de l’argent. Qu’ils l’appliquent à leurs besoins de bien-être et de luxe, ou le mettent en achat de terres, ils en triomphent, et à leur manière, qui est grossière. On ne peut attendre d’eux certaines élégances. Dans leur estime on est très bas avec la bourse plate, très haut quand elle est pleine. Suivez-les dans les magasins, ils parlent fort, demandent le plus cher, ne marchandent pas devant des bourgeois qui lésinent. Ah ! comme On est aise d’être riche devant ceux qui ne le sont plus !

Ils se plaignent toujours, par habitude, mais la joie éclate sous la fausseté de leurs plaintes. « Il ne faudrait pas, monsieur, que notre voisine se marie tous les jours : pour aller à sa noce ma femme et ma fille se sont mis sur le dos quinze cents francs. » Un autre mariage a eu lieu, avec cent cinquante convives, chez des paysans aisés, en pays de vignes. Les gens vous disent sur un ton d’hypocrite regret : « A quoi songe-t-on ? Cette noce aux inviteurs et aux invités a coûté plus de cent mille francs. » Entre eux ils font le compte de leur argent en images significatives : « S’il te fallait porter en écus la valeur de ton étable tu pourrais atteler le cheval au tombereau ». — « Va, tu tires bien de ta vigne autant d’argent que notre défunt voisin, le premier président, en tirait de sa charge. » Qui pourrait vouloir quitter un métier d’où partent de si belles bouffées d’orgueil ?

La seconde fierté, d’un autre ordre, plus relevé, vient aux paysans des nouvelles méthodes de travail, que la machine transforme. Grave question, et même capitale, que celle de la machine ! Elle est appelée à suppléer, et déjà supplée, la main-d’œuvre qui manque. Elle nous rend un autre service, plus discret, fort intéressant.

Les paysans autour de nous sont acquis à la machine et depuis plusieurs années. Ce que les uns ont vu dans les fermes du Nord, les autres en Allemagne, confirme leurs bonnes dispositions. Ils sont très attentifs aux expériences de motoculture qui se multiplient. Sans doute ils regardent la chose comme un peu lointaine pour eux, mais plus d’un qui là-bas était dans les autos ou les tanks, se dit à lui-même : si les tracteurs étaient à point, et d’un prix abordable, je ne serais guère embarrassé pour m’en servir. Ce qu’ils veulent en ce moment, à quoi il les faut encourager, et qu’ils vont avoir, c’est le petit machinisme