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EMINENCE[1],

Votre lettre m’arrive au moment même où j’allais me donner le grand plaisir de vous écrire pour vous présenter mes vœux avec tous mes hommages et vous redire à cette occasion le souvenir fidèle que je garde toujours de l’inoubliable semaine, que j’ai passée, voilà tantôt deux ans, sous votre toit hospitalier. Beaucoup de choses, dont quelques-unes assez tristes, se sont passées depuis lors, et depuis lors ai-je eu seulement la joie de revoir Votre Eminence ? Mais elle sait le souvenir que je garde de son accueil, et quoiqu’elle le sache, je désire vous redire combien je vous en suis reconnaissant, comme aussi de l’attention avec laquelle vous voulez bien me suivre dans mes déplacements oratoires.

Aussi bien, cette conférence de Genève se liait-elle à celle de Rome, et si j’osais me servir d’une expression célèbre de Bossuet, je dirais que ce sont deux têtes de mort qui se font bien pendant l’une à l’autre. C’est ce que j’expliquerai dans une Préface que je mettrai en tête de la réédition de la conférence en brochure, et que Votre Eminence me permettra de lui faire prochainement parvenir.

Les vivacités de Mgr de Dijon ne m’ont pas beaucoup ému, et je me suis bien gardé, je me garderai bien d’y répondre ; nous n’avons, hélas ! que trop de divisions parmi nous, à la veille de livrer la bataille électorale, et Votre Eminence peut donner en haut lieu l’assurance que ce n’est ni moi, ni la Revue qui contribuerons à les aigrir ou à les augmenter. D’ailleurs, et à moins d’imprévu, c’est assez, pour le moment, des trois coups que j’ai frappés, et jusqu’à nouvel ordre, je vais m’enfermer, selon ma tactique habituelle, dans la pure littérature, sauf à Milan, où l’on m’a demandé de parler pour les Cercles catholiques, lorsque j’y passerai pour me rendre à Rome, dans les premiers jours de mars 1902.

Je regrette un peu que Votre Eminence ne m’ait pas donné le travail qu’Elle m’annonce qui paraîtra dans le Correspondant, mais dès à présent je suis à sa disposition pour la Diplomatie de

  1. Cette lettre n’est pas datée, mais il n’est pas douteux qu’elle doive se placer en janvier 1902, la conférence de Genève dont il est question étant celle que de Ferdinand Brunetière dans cette ville, sous les auspices de l’Université, sur l’Œuvre de Calvin, le 17 décembre 1902.