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Ces écoliers manquent d’école, voilà la vérité. J’entends dire qu’ils ne viennent plus aux classes. D’abord ils n’ont pas le temps. Engagés dans les mille et une « boites » qui pullulent un peu partout, occupés à tourner des films, et d’ailleurs instruits par l’expérience que le théâtre muet a plus de public et rapporte plus que le théâtre parlé, où trouveraient-ils le temps d’apprendre seulement à poser leur voix ? En outre, de violentes campagnes de presse ont entamé la confiance qu’ils devraient avoir en leurs maîtres. Ils ne viennent plus aux classes, et ils sont libres de n’y pas venir, nulle sanction ne les rappelant au règlement. Les maîtres, de leur côté, se sentent envahis par le découragement. Ils n’apportent plus la même ardeur à un enseignement qui n’a plus la même autorité. Mieux encore : ils cessent d’enseigner. Ainsi vont ces classes où il n’y a plus ni maîtres, ni élèves.

Cet état de choses doit cesser. Nous aussi, nous appelons de tous nos vœux une réforme : celle qui consisterait à faire de l’enseignement du Conservatoire une réalité. Moins d’élèves, moins de professeurs ; mais des élèves qui étudient auprès de professeurs qui enseignent. L’enseignement du Conservatoire devrait s’adresser à une élite, ayant pour objet essentiel de préparer des interprètes au grand répertoire. Il devrait réagir contre les méthodes d’à peu près dont se contente de plus en plus un public, où les nouveaux riches n’ont pas fait sensiblement monter le niveau intellectuel. Tant pis pour ceux qui ne comprennent pas que, dans l’actuel débordement du cinéma, — dont l’influence a été pour nous tangible et visible à l’œil nu pendant ces trois journées de concours, — le devoir de tous les lettrés est de travaillera renforcer l’enseignement traditionnel du Conservatoire, unique moyen de défendre l’avenir de notre art dramatique.

Nous sommes à une époque où le pays, revenu des déliquescences d’autan, ramasse toutes ses énergies. Notre Conservatoire de déclamation est une de ses forces et de ses illustrations. Qu’il se remette à l’œuvre avec un renouveau de confiance en lui-même. Qu’il prenne la résolution d’être lui-même. C’est la seule réponse qu’il ait à faire à de vaines criailleries. L’heure n’est pas aux démissions et aux fléchissements. Et nous, groupons-nous autour de notre grande École, par respect, pour les maîtres du passé et foi dans les jeunes destinées des artistes de demain.


RENE DOUMIC.