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l’état monastique dans l’absence de scrupule avec laquelle il recherche et accepte, à Gassicourt, une dépouille de Cluny ? Cette induction semblerait peut-être ironique.

Ce qui est une indication plus sérieuse de ses opinions sur le catholicisme monacal, c’est la position qu’il prend dès lors, sur la question du gouvernement ecclésiastique… Ces abus, ces évasions, ces corruptions, comment les réprimer, les empêcher ? Il faut essayer sans doute. Et Bossuet évêque n’y manquera point.

Mais sur qui s’appuyer ? Sur le Sacerdoce ou sur l’Empire ? Qui, du Saint-Siège ou du Roi, est le plus puissant pour prêter à la Règle main-forte ? Le Saint-Siège ? Il est trop loin, il ignore bien des choses ; — ces milices monastiques affectant de déclarer qu’elles ne veulent dépendre que de lui ; il sait de son côté qu’il peut les faire marcher pour lui au besoin, — il peut se laisser aller, pour s’en concilier les bonnes grâces, à fermer les yeux sur des émancipations répréhensibles. Aussi bien, s’il voulait les ouvrir, comment pourrait-il agir avec les entraves dont les « libertés gallicanes » le ligotent ? — Le Roi ? Est-il juste, est-il bon, qu’il mette, fût-ce pour cette besogne salutaire, la main à l’encensoir, et qu’il assume la mission de réformer les moines comme jadis ont prétendu faire les princes protestants ? Au surplus, de ces abus, le pouvoir civil n’est-il pas pour une bonne part responsable, par la façon indigne dont il pourvoit aux bénéfices monastiques sous le couvert du marché concordataire de 1516 ?

Assurément, sur la question de savoir comment peut s’exercer efficacement dans l’Eglise l’autorité coactive, une incertitude pouvait autrefois s’imposer logiquement. Incertitude honnête, raisonnable, dont Bossuet peut-être ne sortit jamais. Le mieux qu’il trouvera sera de fortifier de plus en plus le pouvoir des Evêques, ce pouvoir dont, nous l’avons vu, dès ses premières armes théologiques, se faire instinctivement le champion.

Dans les lettres que Bossuet a dû certainement écrire au temps de son enquête à Sainte-Glossinde, et que des mains trop discrètes ont probablement fait disparaître, on eût trouvé, je crois, bien des lumières sur la formation définitive de ce piètre séculier convaincu, — sur la façon dont ce gallican sincère, spontané, mais modéré, et qui se montra par intermittences un judicieux ultramontain, fut en somme, habituellement, et par raison, ce que j’appellerais un « épiscopal. »