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Belley, il écrit, lui, deux mémoires. Dans le premier, il dresse contre Bossuet un réquisitoire acharné. Dans le second, qu’il dirige contre dom André de Cugnac, dom Gouin et dom François de Valgrave, il consacre une addition fort longue à vilipender Bossuet derechef. — Et nul doute que si nous avions les pièces d’éloquence composées pour le compte de dom de Cugnac, de dom Gouin et dom Fourdrinière ou de dom de Valgrave, nous n’y trouverions les mêmes virulences ou d’autres.

De ces imputations contre Bossuet, y a-t-il quelque chose à retenir ? — Du quoi ne l’accuse-t-on pas, cet adversaire « le plus redoutable, » et surtout déjà pourvu et beatus possidens ? — J’omets bien entendu la menue monnaie : les griefs pour vice de forme, qualifiés naturellement de manœuvres dolosives et de falsifications coupables[1]. On ne l’accuse pas seulement d’avoir poursuivi ce bénéfice « par course ambitieuse ; » — ce qui, au fond, était assez exact ; — mais encore par des procédés qui auraient été moins excusables que des ruses de procédure ; on l’accuse de « s’être intrus audit prieuré par confidence, » c’est-à-dire par une intrigue « clandestine, avaricieuse et simoniaque ; » on l’accuse, surtout, d’avoir, pour prendre le temps nécessaire à la connivence de son complice et cousin Droüas, dissimulé la mort le Bédacier. A l’effet de quoi, « Bossuet n’aurait pas craint d’empêcher le lieutenant-général de Château-Thierry de venir apposer le scellé, visiter le corps mort et reconnaître le jour du décès, faisant dire que si ledit sieur lieutenant-général venait, il lui ferait fermer la porte. » Bien plus, chose horrible, il a, dans le même dessein, embaumé, — ou, comme il est dit moins élégamment et avec une intention visible d’outrage — il a « salé » le cadavre de l’évêque suffragant de Metz. Or était-il nécessaire de « saler » un homme « mort sur la fin d’octobre, mois qui avance dans l’hiver, et par conséquent susceptible d’être gardé plusieurs jours sans artifice ni

  1. Jovy, p. 14. « Les adversaires de Bossuet l’accusèrent encore d’avoir falsifié, altéré, surchargé toutes les pièces dont il s’aidait : — registre mortuaire de l’église Saint Martin-du-Charmel, acte de démission, « provisions » du cardinal Mazarin, registres du banquier expéditionnaire de Paris qui avait envoyé les provisions en Cour de Rome, réponses de son correspondant. » Des dates mensongères auraient été substituées aux véritables, au moyen de pâtés et poches d’encre. Inutile de dire que le fait même d’avoir fait faire des actes en forme, constatant les dates de décès ou de démission de Bédacier, est présenté comme une précaution perfide en vue des poursuites qu’il prévoit…