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et supérieur général de Cluny, se prêta sans objection, — les bulles sollicitées à Rome pour Bossuet furent « accordées le 3 des calendes de mars 1661, » « fulminées en l’Officialité de Paris le 20 juillet, » et Bossuet prit possession par délégué le 24 juillet de la même année.

Entre la mort de Bédacier et l’octroi des bulles, nulle protestation ne s’éleva contre cette nomination. Mais il n’en fut pas de même aussitôt Mazarin décédé.

Presque immédiatement, cinq concurrents fondent sur l’héritier de Bédacier, — brandissent des « droits » et des « titres divers, » — battent en brèche de concert ceux de Bossuet. Successivement à chacun d’eux, Rome, indifférente, accorde des bulles comme à Bossuet lui-même, laissant à ces Français, qui la volent en somme, le soin de se débrouiller devant la justice de leur pays. Les rivaux de l’archidiacre de Metz font appel au Grand Conseil… Et c’était le troisième procès que Bossuet avait, à l’âge de trente-trois ans, à soutenir pro domo sua.

Avait-il la raison et le droit pour lui ? On se rappelle ce que nous avons dû constater déjà à propos de son canonicat, sur ces transmissions de bénéfices ecclésiastiques. Toutes prêtaient plus ou moins à conteste, et il n’était guère de prétention qui ne trouvât des textes ou des traditions où s’appuyer, « les droits des diverses autorités étant fort mal définis alors, » comme l’observe avec raison M. Jovy, le dernier enquêteur et narrateur de cette affaire. « A Cluny, l’abbé séculier de l’Ordre et le grand prieur, moine régulier, prétendaient, l’un et l’autre, » pouvoir nommer aux bénéfices vacants… Et aussi, l’Evêque du diocèse où était sis le bénéfice… Et le Pape, également, si l’on s’adressait directement à lui. Les cinq concurrents de Bossuet se réclamaient de ces distributeurs divers : heureusement encore qu’en l’espèce il n’y avait point de seigneur laïque qui se crût en droit de disposer de Gassicourt !

Quant à Bossuet, il s’autorisait, légalement, et du désir formel de l’ancien possesseur, et de l’adhésion de l’Abbé de Cluny. Le faible de sa cause, c’était, d’abord, la façon dont la dévolution s’était faite.

Si Pierre Bédacier s’était avisé plus tôt de lui résigner son bénéfice, — comme autrefois, à Metz, si le chanoine Royer n’avait pas été si lent à favoriser son jeune ami, — les choses eussent marché, sinon toutes seules, au moins plus aisément.