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Vers la fin de juillet, les discours-programmes du président Bauer et du ministre Hermann Müller viendront consacrer officiellement ce point de vue. Le président Bauer dira ce que déjà répétait la presse, lors de la deuxième lecture du projet de Constitution, à savoir que l’Allemagne possède la meilleure, la plus authentique des démocraties. « La jeune République, annonçait-il au monde, s’établira malgré la réaction militariste et monarchiste. Faut-il énumérer ses conquêtes ? Faut-il mentionner la révision du droit pénal, du Code civil, de la législation tout entière, parler des projets pédagogiques qu1 préparent la rééducation du peuple allemand ? Bientôt il n’y aura plus de peuple qui puisse se vanter d’avoir une démocratie comparable à celle de l’Allemagne. »

H. Müller soutiendra ensuite que la politique étrangère de l’Allemagne doit être la plus démocratique du monde. La revanche de l’Allemagne, ce sera d’aider la Belgique et le Nord de la France à se reconstituer. L’Allemagne entre dans les temps nouveaux munie du système électoral le plus large, du féminisme le plus avancé, de la législation ouvrière la plus sympathique à l’Internationale. « C’est ainsi seulement, ajoutait-il, que nous ferons dans le monde des conquêtes morales. » Mais, en attendant, on fait des projets d’avenir. On sait que le sort du monde se décidera à Washington et à Tokio. On veut y établir d’excellents représentants. On en aura partout, d’ailleurs : à Moscou, à Pékin et à Rome. On sait aussi que les circonstances économiques actuelles vont créer des rapprochements non prévus par le traité de Versailles, que le prestige allemand en Espagne est encore considérable, que l’Allemagne possède en Hollande et en Suisse de solides sympathies, qu’une politique active peut dès maintenant commencer, en Russie et en Orient, une pénétration vaste et sûre. C’est pourquoi, au congrès du Parti démocratique, Fr. Naumann déclarait : « Au milieu de la misère et des défaites, nous n’abandonnons pas l’idée de la Grande Allemagne ; mais nous repoussons ce pangermanisme qui a fait tant de mal au peuple allemand et à la pensée allemande. » Oui, mais de quel pangermanisme s’agit-il ? L’impérialiste que fut Naumann avait-il le droit de se désolidariser du pangermanisme ?

En ce qui concerne l’extrême gauche, il est encore assez difficile de définir exactement sa mentalité. Au cours de la