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sociale, le problème du travail rationnellement organisé en vue du ravitaillement et de la production, ne peut-on craindre que, sur ce nouvel et formidable échiquier, le pangermanisme ne reparaisse sous une forme agrandie et que l’Allemagne ne veuille reprendre, dans un autre sens, cette hégémonie convoitée depuis si longtemps, avec une si inlassable persévérance ?

Telle est exactement la question. On peut la poser sans mettre en cause le socialisme, ou la démocratie, ou une doctrine quelconque. Ce qui importe, en effet, c’est de définir l’esprit de l’ancien pangermanisme. On verra ensuite si, en dehors des partis réactionnaires demeurés fidèles au programme primitif, cet esprit ne reparait pas, sous des aspects nouveaux, dans la démocratie et le socialisme allemands.


L’ANCIEN PANGERMANISME

Etre pangermaniste, c’est affirmer la supériorité absolue de l’idéal d’organisation sociale qui est le fond, solide et durable d’ailleurs, du germanisme. Tout le reste est secondaire : volonté d’hégémonie, programmes d’expansion, théories belliqueuses. Dans le pangermanisme, le germanisme se définit et s’exalte, se manifeste et s’universalise tout à la fois, s’affirme comme valeur nationale et valeur universelle absolue. C’est pourquoi le pangermanisme a pour corollaires : un défaut complet de sens psychologique, qui cache aux yeux des Allemands la valeur intrinsèque des autres civilisations ; un orgueil démesuré, qui s’enfle avec tout succès apparent ou réel ; enfin, en cas de défaite, cette hypocrisie particulière qui se dérobe aux responsabilités directes et cherche des explications secondaires, travaillant à endormir la vigilance du voisin pour reprendre son but, toujours le même, la grandeur de l’Allemagne et son rôle directeur dans le monde.

Pour que le pangermanisme devint ce qu’il a été en 1914 : la cause de la guerre, il fallait que deux conditions fussent réalisées. D’une part, le rêve de domination, la vision d’avenir et le programme d’action devaient être fixés, mis au point par les théoriciens. D’autre part, ce rêve-programme devait avoir des chances et des instruments de réalisation, disposer d’une dynastie prête à mettre à son service tous ses moyens de puissance et d’un peuple absolument docile. Il fallait, en d’autres