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part, de montrer que, dans l’Europe nouvelle, en quête d’un nouveau droit international, l’Église, enfin libérée de certaines servitudes qui avaient entravé sa mission, avait son mot à dire et son rôle à jouer, et qu’elle se trouvait replacée par l’histoire dans la grande voie royale de sa destinée. La conclusion de toutes ces constatations diverses était que la France, — la France victorieuse de 1918, la France des Croisades et de cette Jeanne d’Arc que l’Église vient de canoniser, — ne peut plus ignorer Rome, et qu’il y a entre les intérêts français et les intérêts catholiques une sorte d’harmonie préétablie que tout commande de respecter et de renforcer. Le livre l’Église libre dans l’Europe libre venait prêter un corps à ces idées. Une fois de plus, Georges Goyau exprimait la si bien la pensée profonde de la génération à laquelle il appartient, que l’événement n’allait guère tarder à lui donner raison.

Si modeste qu’il fût, Georges Goyau avait fini par se rendre aux vœux de tous ses nombreux amis, de toute cette jeunesse qui s’est nourrie de ses articles et de ses livres et qui le considère comme un maître, et il avait posé sa candidature à la succession académique d’Émile Faguet. Il eût fait un bel éloge de l’auteur du Dix-huitième siècle. L’éloge d’Émile Faguet sera prononcé par Georges Clemenceau, devant lequel les candidatures les plus justifiées ont tenu à honneur de s’effacer. L’historien de l’Allemagne religieuse s’est remis au travail avec joie. M. Hanotaux a eu l’heureuse pensée de lui demander sa collaboration à la grande Histoire de la nation française que, dans un récent article, M. Louis Madelin signalait aux lecteurs de la Revue ; il lui a proposé de compléter et de couronner son œuvre par une Histoire religieuse de la France, qui nous manque encore et que tout le prédestinait à écrire : ses goûts, ses idées, ses travaux antérieurs, son désir d’apostolat, la nature de son talent, si religieux et si français tout ensemble. Ce grand livre, — qui aura la bonne fortune d’être illustré par Maurice Denis, — est fort avancé ; ce sera probablement le chef-d’œuvre de Georges Goyau, et je sais que d’excellents juges, qui en connaissent certaines parties, déclarent qu’il n’a rien écrit de plus parfait, de plus profond et de plus fort. On les en croit sans peine. Les plus beaux livres, dans tous les ordres, sont ceux qu’on a longtemps portés, parfois presque involontairement, en soi et dans lesquels on peut se mettre tout entier. Après avoir tant médité sur le