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en le lisant, sur les sujets qu’ils croient le mieux connaître. Il ne serait pas très malaisé, à l’aide de quelques menues retouches, d’extraire de ses œuvres une apologie complète et fort persuasive de l’individualisme protestant. Je sais des protestants qui goûtent fort les études sur le Protestantisme allemand et genevois, et les deux volumes sur Genève ont été récemment l’objet d’un rapport extrêmement élogieux de M. Ferdinand Buisson.

Et de même qu’il sait rendre à ceux qui ne partagent point ses idées une très exacte justice, Georges Goyau se garde bien de flatter ses coreligionnaires et de les suivre jusque dans leurs erreurs. Il a su dire, le cas échéant, des vérités assez dures à certains catholiques français. Et, en dépit des sollicitations qui lui venaient d’outre-Rhin, il a cru devoir arrêter à la mort de Bismarck l’histoire du catholicisme allemand : c’est qu’il voyait le parti du noble Windthorst abdiquer peu à peu devant l’Empereur luthérien et devenir le parti domestiqué d’Erzberger. La guerre étant venue rendre cette transformation criante, il en esquissa l’instructive histoire dans un article, puis dans une brochure, dont les courtoises sévérités furent douloureuses aux hommes du Centre. La Gazette populaire de Cologne qui jusqu’alors avait apprécié d’une façon très flatteuse les travaux historiques de Georges Goyau, déclara sans ambages que « la guerre l’avait rendu fou. » On ne sait pas, en Allemagne, rendre courtoisement hommage à la clairvoyance religieuse et patriotique.

Comme tous les écrivains modernes, que les hasards de l’actualité sollicitent dans les directions les plus diverses, Georges Goyau, en marge de ses grandes œuvres, a écrit un grand nombre d’essais ou d’articles dont l’unité intérieure nous échapperait un peu, si l’auteur n’avait pris soin de nous l’indiquer par le titre même sous lequel il les a recueillis : Autour du catholicisme social. Sans négliger, certes, les autres aspects du catholicisme, c’est sous cet aspect particulier qu’il l’envisage le plus volontiers. Convaincu que pour résoudre les conflits sociaux dont nous souffrons, et qui vont s’exaspérant tous les jours, seul le catholicisme est capable de fournir une doctrine pleinement satisfaisante, c’est cette doctrine qu’il s’efforce de dégager de tous les faits, anciens ou nouveaux, qu’il est conduit à étudier, de tous les livres qui s’offrent à son attention. Et ainsi se sont formés au jour le jour ces cinq recueils d’études extrêmement variées, attachantes et suggestives. Portraits d’écrivains