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tudes, de méthodes et d’informations, qu’elle exige aujourd’hui de ceux qui s’y appliquent, convenait admirablement à son tour d’esprit ; fervent de Bossuet, il avait appris à son école tout ce que l’histoire la plus objective peut receler de vertu apologétique ; il se fit donc historien. Sous la direction de Gabriel Monod, d’un excellent élève de Fustel de Coulanges, M. Gustave Bloch, du M. René Cagnat et de Mgr Duchesne, il s’initia à toutes les « sciences auxiliaire » de la discipline historique. L’histoire romaine, aux premiers siècles de l’ère chrétienne, l’attirait particulièrement, et c’est à cette période qu’il emprunta le sujet d’une thèse de doctorat qu’il a presque complètement écrite, mais qu’il n’a jamais soutenue, sur Dioclétien. Son riche fonds de culture classique, son activité d’esprit, son extrême facilité de labeur lui permettaient d’expédier rapidement ses travaux scolaires et de réserver le meilleur de son temps pour ses études personnelles. Grand dévoreur de livres, de journaux et de revues, servi par une étonnante mémoire qui retenait et classait tout, il accumulait sur tous sujets les connaissances les plus précises. Ses camarades le considéraient comme une encyclopédie vivante et le « feuilletaient » à l’envi, s’adressant à lui pour constituer la bibliographie de ce qu’ils appelaient — ironiquement — leurs « définitifs. » Dès sa seconde année d’École normale, il publiait une Chronologies de l’Empire romain, qui faisait l’émerveillement des hommes du métier. Il travaillait, en collaboration avec plusieurs de ses camarades, à un Dictionnaire des antiquités romaines. Ses maîtres s’instruisaient à ses leçons et étaient unanimes à lui prédire l’avenir d’un Fustel ou d’un Mommsen. Il acceptait ces prédictions avec la modestie souriante et discrète dont il ne devait jamais se départir. Et les meilleurs moments de cette vie d’intense labeur étaient ceux qu’il passait avec sa mère dans ce petit parloir de l’École où, chaque jour, on la voyait paraître, fine, menue, discrète et bonne, comme le fils dont elle avait créé l’âme à son image.

L’histoire d’autrefois n’absorbait pas tout entière la pensée de Georges Goyau ; l’histoire d’aujourd’hui le passionnait, et il ouvrait largement les yeux sur son temps. Ces années 1888-1892 marquent un moment décisif de la vie française. En politique, en littérature, en philosophie, partout, des tendances nouvelles se manifestent alors avec éclat. C’est le moment précis où la génération du second Empire, son œuvre finie, passe la main à celle