Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Anglais et Français, qui, désormais représentés en Italie par de grosses unités constituées et pourvues de tous leurs organismes, pourront faire bénéficier les Italiens de l’expérience acquise et des méthodes en usage sur le front de France.

Pendant que le général Foch est à Rome, s’évanouit l’espoir de voir l’invasion arrêtée sur la ligne du Tagliamento. Dans la nuit du 2 au 3 novembre, le pont de Pinzano est forcé par des patrouilles autrichiennes ; le 3, les progrès de l’ennemi sur la rive droite du fleuve déterminent le repli des forces italiennes ; le 4, le général Cadorna ordonne de continuer la retraite sur la Livenza, qui coule entre le Tagliamento et la Piave. Le mouvement s’exécutera le 5, sans être trop gêné par la pression des Austro-Allemands, qui le suivent. Il n’y aura même pas d’arrêt sur la Livenza, considérée comme insuffisante à constituer un obstacle susceptible d’être défendu, et l’ordre sera donné de se replier sur la Piave, tandis que le gros des forces ennemies sera encore occupé à franchir le Tagliamento.

La courte durée de la résistance sur le Tagliamento, certainement inférieure à l’attente du général Foch, ne le décourage cependant pas. Elle l’amène seulement à insister plus énergiquement encore pour que le Grand Quartier Général italien donne l’exemple et le signal de cette vigoureuse réaction, sans laquelle aucune ligne de défense, fût-ce celle de la Piave, désormais bien près d’être atteinte, ne saurait être inexpugnable ; pour que le gouvernement italien, sans intervenir dans les opérations militaires proprement dites, transmette au commandant en chef cette impulsion, ce mot d’ordre, qu’il est dans les attributions gouvernementales de donner ; pour que sans retard les remèdes appropriés soient apportés aux lacunes, d’organisation qu’il a signalées et dont a souffert la conduite de la guerre.

Ses instances se rencontrent d’ailleurs avec l’instinct et le vœu populaires. Du pays, brutalement tiré d’une sécurité trompeuse et ramené au seul souci de la défense nationale, s’élève alors un appel à l’armée et au gouvernement, pour venger l’honneur des armes et préserver le plus possible le sol de la patrie. Après un moment de stupeur, devant une défaite inattendue et le recul général d’un front que l’on croyait ne devoir se déplacer que pour avancer, la grande majorité de la population réagit fortement. Sous l’émotion, l’anxiété qui subsistent